vendredi 29 juin 2007

Un déclic nommé Manon

Je ne sais pas pourquoi je fais un retour en arrière, là, tout de suite. Peut-être est-ce de te lire Aïleen, et de revivre à l'unisson les mêmes sensations, les mêmes interrogations, les mêmes frustrations... et avant tout, le même bonheur.
Le Grand bonheur devrais-je dire... celui de voir naître Manon un beau dimanche de septembre, celui de perdre toutes mes certitudes, celles qu'on a à 27 ans, qui vous rendent invincibles, mordants, et terriblement matérialistes...
J'avais une vie, un mari, une fille, un boulot, un appart, la capitale sur mon pas de porte... grouillante et trépidante... et puis plus rien, le vide, l'absence de futur...la peur de survivre à son bébé... chose dont je sais que je ne me relèverais jamais...
Ma mère me tenait la main et me disait: "Tu n'as pas été épargnée, tu sauras faire face..."... j'avais répondu "J'sais pas maman, j'ai vu des choses pas bien belles, mais là, c'est ma chair, il faut qu'elle vive. Je vais pas m'en sortir sinon"... j'ai failli tomber et ne pas me relever une fois, il y a longtemps...mais ce n'était pas mes tripes à moi qui étaient à l'air, à vif... c'était celle d'un homme qui avait tout fait pour que cela lui arrive... peut-être qu'un jour j'en parlerais avec cohérence, de ce 13 juin 1978, mais là, je ne peux toujours pas... Le jour où j'ai vu Manon pour la première fois, j'ai pensé de suite à mon père qui ne m'aimait pas et qui m'avait toujours dit "tu n'es qu'une bonne à rien"...
Il devait bien rigoler de là-haut, de me voir pétrifiée devant la couveuse de ma fille, il avait tristement raison... j'avais même pas su la garder neuf mois dans mon ventre... J'étais la plus nulle des mères qui puissent exister...
Manon m'a sauvée, de moi-même, de cette vie que je m'apprêtais à vivre qui n'était pas pour moi...
je lui dois tellement...
Certains amis sont partis aussi, jusqu'à ceux qui étaient nos témoins de mariage... affolés, nous pouvions être contagieux... le malheur, la poisse... nous en étions porteurs... grave erreur dans notre lancée professionnelle... nous étions des gagnants, nous sommes devenus alors des perdants... "ils sont sur la touche desormais, disait-on de nous..."... je ne sais pas pourquoi certains n'ont pas compris... que nous avions au contraire une grande chance de ne pas finir comme eux...
Les ex témoins et amis sont aujourd'hui divorcés, l'un des deux a fait une tentative de suicide l'an dernier...
C'est bien triste. Je ne souhaite de mal à personne, je ne leur en veux même pas.
Qui peut dire qu'il a la vraie recette du bonheur???... celle qui a fait de moi une grande émerveillée, qui va vérifier chaque soir avant de s'endormir que le petit être tant aimé respire comme il faut, et que je me dis que j'ai un véritable trésor sous la couette, la plus grande richesse qui soit, qui s'appelle un enfant...
Peut-être bien moi finalement ... depuis que je suis maman...