jeudi 7 août 2008

Manon va avoir douze ans



Ca fait longtemps que je ne suis pas venue écrire ici. Tout simplement parce tout va relativement bien. Mieux qu'avant même. Et quand ça va bien, je n'éprouve pas le besoin de le dire. C'est un tort.

Manon change beaucoup. Physiquement et mentalement. Elle a des séances de kiné hebdomadaires, pour son talon d'Achille. Elle en tire un bénéfice en souplesse et en tension nerveuse. Son kiné (qui est aussi mon ostéo-fasciathérapeute), m'avait dit que la raideur musculaire agissait sur le flux nerveux de Manon. Sur son stress, son angoisse. Il avait raison. Manon gère mieux les situations. Manon affronte sans que je fasse bouclier, sans que je la protège. Sans que je teste avant elle. Manon grandit.

Elle a mal au ventre aussi. Beaucoup. Des changements physiques sont évidents. La puberté est là. Elle la gère avec pudeur et amusement. Elle se trouve mieux dans sa peau, plus jolie. Du moins tout le monde me murmure en la voyant "Dis-donc, elle a drôlement changé Manon??!!! C'est incroyable... ça va être une belle fille. Elle sera plus grande que Julie non?"... le fait de dépasser sa soeur aînée dans un domaine lui procure une fierté immense. Enfin on la remarque. enfin on la compare en "bien" à Julie. Enfin les réflexions sont positives....
Elle a toujours tout écouté, sans en avoir l'air....

Je suis fière d'elle. Je la trouve différente. Elle se sent bien dans sa peau. C'est une belle victoire.
Qu'elle a gagné en partie, seule.

Bien sûr, je crains son entreé en sixième. Mais je ne le montre pas. Car elle le gère plutôt bien. Il me reste à faire le trajet en bus au moins une fois avec elle pour desarmorcer la bombe. la panique de se tromper. De descendre ailleurs qu'à côté de la maison. Julie est dans le même collège. En troisième. Ca me rassure beaucoup. Elle le prendra des fois avec elle.

Manon va manger à la cantine tous les midis, hormis le mercredi où je vais les chercher toutes les deux, Julie et elle. Cela ne l'enchante pas car elle a toujours eu sa pause ordi/lecture/détente le midi. Mais bon, elle ne veut pas courir en prenant le bus non plus. Donc c'est plus simple. En plus, dès septembre, je suis en formation tous les mardis jusqu'en décembre, pour mon travail. Je vais même mettre sa petite soeur Zoé à la cantine, alors qu'elle est encoprésique. Tout le monde va devoir se faire violence cette année. Peut-être est-ce l'amorce pour moi d'une vraie reprise de travail. En dehors de la maison. Reprise envisagée pour dans trois ans maximum.

Un stage d'intégration est organisé par le collège dès les premiers jours en sixième. Une nuit de camping dans une base de loisirs à 30mns de Bordeaux. Vtt, rando et kayak au programme. Le neurologue a certifié que pour le vélo, c'était normal qu'elle ne puisse pas en faire avec l'état de ses pieds, la raideur de son talon d'Achille. Mais il compte sur le bon sens des enseignants. Je ne vais pas pouvoir prendre un rdv avec la prof de sport en temps et en heure. Alors je ne compte pas l'y envoyer du tout. Mais ça m'angoisse. De l'exclure. Sans avoir pu expliquer pourquoi.

On verra bien. Je ne peux pas dire comment ça va se passer et m'en faire trop à l'avance. Et puis Manon va guider les décisions, elle en est parfaitement capable desormais.

Je suis très heureuse pour elle.

On m'avait dit que la puberté avait un effet bénéfique sur les prématurés.
Je le confirme, l'effet est là.
Pourvu que ça dure!

lundi 7 avril 2008

Bilan 2008

Ce matin, j'ai accompagné Manon à l'hôpital pour enfants, situé dans l'enceinte gigantesque du tripode Pellegrin à Bordeaux. Vu d'extérieur, ça parait particulièrement impersonnel, surtout quand on tourne en rond autour pendant une heure pour se garer...
Mais bon, on a trouvé une place, l'entrée, le service et donc, tous les deux, on a fini par tomber dans une salle d'attente à dimension humaine -incroyable- à peine plus grande que chez notre généraliste.
Manon a juste eu le temps d'être mesurée, pesée et tour-de-têtée que le neuromachin -le docteur, quoi- nous recevait (presque) à l'heure, décidément, ça s'annonçait bien.
Jugeant que son dossier était trop ancien (le dernier bilan complet avait été fait à Rouen en 2003), il a décidé de lui refaire un contrôle complet de toutes ses aptitudes.
Il n'est pas spécialement revenu sur sa prématurité, mais a plus longuement étudié la "crise" de convulsion qu'elle avait fait en 1998, sans toutefois insister.
Puis il a procédé à toute une batterie de tests, plus ou moins déjà vus dans les bilans précédents: lever des bras de plusieurs façons, marche sur la pointe des pieds et sur les talons, faire des petits anneaux avec le pouce et les autres doigts, test d'efforts sur les doigts et les bras puis diverses positions des mains et des pieds, réflexes du genou, bref , la totale.
Ceci tout en posant, innocemment, une flopée de questions à Manon, pour étudier son comportement dans un environnement plus ou moins inconnu. Le courant est passé très vite et ma timide Manon a répondu sans contrainte apparente, avec une certaine aisance.

De tout cela, il en ressort une réelle faiblesse des deux talons d'Achille, qui déclenche donc une trentaine de séance de kiné pour assouplir tout l'ensemble pied-tibia-mollet. On a aussi un rendez-vous en juin pour une radio du rachis puis avec un orthopédiste car elle a un début de scoliose. Je crains qu'il ne soit congénital car Véro et Julie en ont une, elles aussi.

En tout cas, omme l'a dit le médecin, elle ne sera jamais une grande championne en sport ! Mais ce n'est pas notre but, loin de là...
Ce qui compte le plus, c'est qu'il n'y ait pas de profond souci neuro-moteur et que la kiné peut la libérer suffisamment pour son activité sportive scolaire qui nous tracasse tant. Quant au vélo, le temps se chargera de la mettre en selle...
A suivre, donc... Désormais, ça sera un bilan par an, promis !

vendredi 1 février 2008

Que dire aujourd'hui...


J'ai fait ce blog avec une réelle envie de mettre "cartes sur table"... il arrive un moment où l'on pose sa valise, où l'on se sent arrivée à bon port, et où regarder en arrière paraît enfin possible...

J'ai longtemps foncé tête baissée, pour ne pas avoir le temps de m'asseoir et de me lamenter... Aller à l'étape supérieure... changer de ville tous les deux ans depuis 2001... recommencer ailleurs... faire table rase d'avant... c'était pratique d'avoir une mutation qui tombe sur le bureau quand tout semblait figé... c'était partir en avant en laissant les problèmes derrière moi...

Quitter Paris en 2001 a permis de tourner la page à la grosse artillerie que représentait l'hopital Trousseau... de dire au revoir à un appartement qui avait vu naître Manon... de s'implanter dans une petite commune où j'espérais ne pas avoir à raconter la naissance de Manon... elle pourrait enfin se fondre dans la masse... aller à l'école sans qu'on me lance des réflexions sur sa lenteur ou son côté lunaire inquiétant... grandir en paix...

J'ai fui beaucoup...

Il arrive un jour où le déclic se fait. Il est arrivé pour elle vers ses sept ans... il a déclenché le mien. Tout était en elle. J'avais passé des années à chercher le pourquoi du comment, à prendre les réflexions des enseignants pour des vérités blessantes que je refusais d'accepter... -et s'ils avaient raison, et si je me voilais la face, et si je défendais une cause perdue....-

Ils avaient tort.

J'ai beaucoup souffert de devoir me battre contre les idées reçues. Manon a longtemps adopté une attitude de repli et d'enfermement qui donnait raison aux réflexions, aux accusations... j'avais beau dire aux soupçonneux qu'elle n'était pas comme ça dans la vraie vie, chez nous... ils me regardaient avec un air complaisant et me lançait un cinglant "On vous dit ça pour son bien, Madame"...

A l'heure d'aujourd'hui, Manon parle de choses lointaines, de scènes scolaires que j'avais oublié...
Elle a gardé en mémoire l'humiliation de certaines personnes...
Elle dit qu'elle ne disait rien à l'époque car elle sentait que ces personnes ne l'aimaient pas, quoiqu'elle fasse...
Nous faisons bloc autour d'elle. Nous avons compris que cette naissance était de toute façon incomprise pour quiconque ne l'ayant pas vécue... expliquer, convaincre... c'était bon avant... Dorénavant, nous arrivons avec un certain applomb, en expliquant que les choses sont ainsi et que Manon sera toujours plus bébé que les autres, plus peureuse, plus solitaire... et alors????L'accueil qu'elle a reçu enfant ne lui a pas permis de s'insérer...correctement... de prendre confiance en elle... de ce fait, elle s'est protégée... beaucoup... trop peut-être...
Oui elle est assez ronchon et agressive quand on la pousse à être un peu ouverte...
Oui elle n'aime pas le sport... et râle quand on l'oblige...
Oui elle parle bas et se tord les doigts quand elle va au tableau...
Oui elle ne regarde jamais les gens dans les yeux....
Oui elle joue seule dans la cour et regarde le ciel... parce qu'aucune de ses copines n'a envie de parler "constellation"... et que ceux qui jouent au foot pendant la récré lui font peur...
Oui elle a encore le profil de la petite fille qu'il faut embêter... hier elle est allée au théâtre avec son école et une petite fille de sa classe qui la traite régulièrement de "singe savant" s'est précipitée pour se mettre le rang derrière elle et lui taper fort sur la tête pendant tout le spectacle...
Oui j'ai apprivoisé ma colère face à la connerie humaine...
Oui j'aime ma fille telle qu'elle est et je n'en veux surtout pas une autre...
Connaître une telle naissance épuise et remet beaucoup de choses en question...
Mais elle enrichit tellement...
Onze après, nous nous sentons plus unis et forts que certaines cellules familiales que nous cotoyons...
Leur souhaiter qu'il leur arrive une tuile de ce style pour "grandir un peu"????
Non, j'en suis pas là... à leur souhaiter de voir leur enfant entre la vie et la mort... non, vraiment pas...

Mais des fois, je me demande si certains savent que cela n'arrive pas qu'aux autres...
Personne n'est à l'abri...
Malheureusement....

mardi 22 janvier 2008

Maman "trouille"


Oui je trouille. On est même pas fin janvier que je me fais déjà une montagne (c'est le cas de le dire!!!)... de son séjour de quinze jours à Luz Saint Sauveur... prévu avec sa classe, fin mars....
Me refaire, je ne peux pas. Je travaille sur moi, je m'auto-immunise contre le stress maternel... du mieux que je peux... mais je dois vous avouer, j'ai hâte qu'elle revienne alors qu'elle n'est même pas encore partie!!!!!
De son côté, elle prend bien les choses. Manon a une facculté d'adaptation, un détachement face aux évènements, que j'admire et que je tente de comprendre... elle a un caractère anxieux, ce n'est pas vraiment compatible.
Sans doute garde-t-elle cela pour elle.... sans doute a-telle besoin de partir de son cocon pour évoluer... sans ma protection maladive... sans doute ne se pose t-elle pas de questions métaphysiques comme moi...
Manon est incapable d'imaginer le mal, l'accident, et voit tout en rose...
Tant mieux... le rose n'était pas au rendez-vous le jour de sa naissance...
Etre parvenus à lui concocter un nid douillet, une belle vie, est notre plus grande réussite... à jenfi et moi...

Le mois de janvier est extrêmement doux cette année... la neige n'est pas au rendez-vous... vous dire que cela m'arrange est une réalité... un soulagement... Manon sera plus à l'aise en rando qu'en ski alpin... même si c'était une belle opportunité que de prendre des cours là-bas... je le sais...
Je commence à répertorier les vêtements chauds, les combis, les jeans, les chaussures de marche... les bottes... Manon a beaucoup changé et grandi... elle n'est pas du tout faite comme Julie... j'ai beaucoup de mal à passer les jeans de l'une à l'autre... va falloir que je me réveille avant la fin des soldes... Manon ne me suivra pas dans mes achats... elle déteste ça...
Il va falloir aussi que je lui coupe sa lourde et longue tignasse... pour lui permettre de se coiffer sans soucis... on va y aller progressivement... première étape ce soir... on raccourcit en douceur...

Je viens d'apprendre que nous sommes de mariage à Paris fin mars... Manon ne sera pas là...
Elle a paru contente car elle n'aime pas les mariages, on s'y couche trop tard et il y a de la musique trop forte!!! Moi je vais penser à elle tout le temps... en attendant son unique appel téléphonique du séjour, le dimanche 30 mars...
Faut que je me secoue...
Elle ne m'appartient pas ma Moumoune chérie... elle doit voler de ses propres ailes... si fragiles...
J'ai deux mois pour accompagner cette séparation en douceur...
Nul doute que vous allez me trouver tristounette au fur et à mesure qu'on va avancer dans le temps...

Manon est une poupée de porcelaine...
J'ai toujours peur qu'elle se casse...
Pourtant elle a des ressources que je néglige trop...
La laisser partir est ma façon à moi de l'admettre...
Et de vaincre ma peur...