mardi 21 août 2007

Casse-tête

Trouver la trousse idéale pour mon écolière de Manon, ce n'est pas simple.
D'abord, il faut inspecter celle de l'an passé, voir ce qu'il y a à sauver... je la découvre généralement remplie de copeaux de crayons de bois, discrètement taillés à l'intérieur... aller jusqu'à la poubelle placée sous le pif de l'instit, ça demande pour ma timide dix pensées persuasives de "je vais y arriver, je vais y aller!!!"... Trois souffles dans le creux de ses mains devant sa bouche rougie et tremblante... un déplacement visible qui va la mettre mal à l'aise.... c'est au dessus des forces de Manon... donc trousse=poubelle... par la force des choses.
Ensuite je découvre les 4 stylos billes (bleu, noir, vert et rouge) bouffés jusqu'à l'usure du plastique... l'embout du stylo qui arrête la tige d'encre est aux abonnés absents. Le bouchon est machouillé et diforme... et l'encre est sèche... bref, la misère totale. Je les change tous les mois. Je ne suis pas étonnée. Juste résignée.
La gomme est striée de trous, son copain "le compas" a eu des pulsions ravageuses, il a voulu la transformer en gruyère... Manon trouve cela... comment dire... destressant!!!... ça l'amuse beaucoup quand elle attend un résultat d'évaluation.
La règle est cassée en deux. La pression des mains de Manon est excessive et maladroite. Elle se crispe... et fracasse... c'est un gros souci de trouver la règle idéale.
Idéal est un mot que je ne connais pas en matière de fourniture scolaire. Si quelqu'un détient le nom du sac à dos qui résistera aux 8 kilos journaliers que Julie porte sur son dos, je fonce de suite l'acheter. Je n'arrive toujours pas à marquer durablement d'un signe distinctif les stylos billes de Manon afin qu'ils ne soient pas embarqués par son voisin... qui a les mêmes... forcément... Toute la ville va au même hypermarché...
Cette année, j'ai pris de bonnes résolutions... j'ai mis un peu plus cher dans l'achat du sac à dos de Julie, car la voir revenir avec le sien craqué dès janvier, j'en ai marre... faut savoir qu'en début d'année, dans les rayons, à part les combi de ski, les moon boots et la quinzaine du blanc, y a pas grand chose... la France adore fractionner à l'avance ses étalages commerciaux... depuis le 15 juillet, nous flânons en short dans des rayons cahiers, stylos, classeurs et cartables... exit l'ambiance plage... tant pis si on voulait un nouveau parasol parce que l'ancien a fini hier tordu sur la serviette de plage du voisin... faudra attendre mai 2008 pour s'en procurer un neuf!!!! Pour les achats scolaires, faut pas traîner, car dès le 15 septembre, on va nous sortir les citrouilles et les costumes de fantômes... tant pis si il nous manque le cahier 96 pages format 24x32 que la prof d'espagnol a oublié de signaler (euh, ça pourrait être la prof d'anglais aussi!)... les magasins spécialisés comme Cultura et Alice se feront un plaisir de nous proposer "the" cahier oublié à un prix sympathique, spécial tête en l'air.
Vous comprenez donc pourquoi je m'organise. Du moins j'essaye.
J'ai suivi les conseils d'une amie que j'aime beaucoup, nounou comme moi, qui vit en Normandie. Elle est passée ce mois-ci à la maison avec sa petite famille et m'a conseillé d'acheter pour Manon les stylos Pilot G. Ils ont une forme qui lui permettra de ne pas glisser sur le bout de la mine, et une largeur qui lui enlèvera la crispation dûe à la pression de ses doigts... je pense que Manon va y trouver un confort indéniable.
Tout conseil venu de Maman experte en fourniture scolaire est le bienvenu.
Il me reste encore de la marge avant de me plonger dans l'ambiance d'Halloween.
Je suis toute ouïe...

lundi 20 août 2007

Retenue à un souffle...

Ce long week-end du 15 août (férié en France) a été propice à un séjour en mobil home au Pays Basque... Nous ne sommes pas pratiquants de surf, je dirai même que les vagues de l'Océan ne sont pour moi qu'un plaisir des yeux... j'ai eu de quoi me ravir, la mer a été déchaînée bien des fois... Nous avons eu de belles journées, à visiter l'arrière-pays... à profiter de la piscine du camping... à jouer au Yam's ou au Taboo avec les filles... à parler de tout et de rien le soir venu à l'heure du café...
Odile, la cousine de mon homme, nous avait gentiment invité à les rejoindre, son mari et elle, sur ce lieu de vacances, comme tous les ans, au 15 août... Nous y allons toujours avec grand plaisir... le mobil-home reste même confortable à 7 personnes... nous y passons de bons moments...
Les conversations tardives après une journée d'été partent souvent dans tous les sens. Et parfois, dans le sens inverse de la vie qui s'écoule...
Odile a subi un grave accident de la route, en 2002. Elle a toujours été battante et a toujours voulu faire avec cette "failure"... l'incluant à sa vie, acceptant les séquelles... elle m'a parlé un soir de son coma, de ce trou noir qu'elle n'arrive pas à éclaircir... consécutif à son traumatisme cranien... elle m'a avoué
"Je questionne souvent mon père pour savoir comment j'étais physiquement la première fois où il m'a vue en réanimation... si il pleurait, si il me parlait... ce qu'il faisait le soir en rentrant chez lui avec ma mère et ma soeur..."
J'ai repensé à ce coup de fil de mon beau-père qui me disait "Odile a eu un grave accident de voiture, je pars amener d'urgence mon frère et ma belle-soeur à l'hopital de Bordeaux... on leur a dit que leur fille était perdue..."...
Je lui ai répondu, évasive....
"Je sais que ton père pleurait au téléphone et n'arrêtait pas de dire que tu allais mourir... "
Elle a acquiescé et a rebondi.
"Oui, mais moi, je voudrais savoir à quoi il pensait, chaque jour quand il venait me voir..."
J'ai alors repensé à Manon, en réanimation, le lendemain de sa naissance. Je ne sais pas si un jour elle me demandera "A quoi tu pensais Maman en me regardant dans la couveuse???", mais j'ai eu un drôle de sentiment rien que de me l'imaginer.
Je ne sais plus si j'avais encore assez de force pour penser à quoique ce soit d'autre que de retenir mon souffle pour qu'elle puisse respirer à ma place. Je me souviens d'un état de fatigue et de passivité assez déconcertant. D'une envie de dormir et de me réveiller quand tout sera fini. Lorsqu'elle sera sortie de cette cage de verre et déconnectée des machines. Je sentais un poids immense sur mes épaules et je n'arrivais pas à m'en défaire.
C'était l'automne. Paris se tapissait de feuilles mortes et le froid revenait avec la tombée de la nuit plus précoce... Je passais mes journées dans une salle de réanimation coupée de la clartée du jour, tamisée par des lumières artificielles, où règnait une odeur puissante de desinfectant...j'avais l'impression que l'odeur du savon liquide que j'utilisais pour les mains ne me quittait jamais, rentrait dans mes pores... je faisais ce rituel chaque matin en arrivant pour me débarrasser des bactéries du dehors, vêtue de la tête aux pieds d'une blouse bleue en crépon... je faisais des choses systématiques dans une vie devenue mécanique... je crois que j'étais en suspens... en attente... en stand by...
Le soir venu je revenais à la maison, j'appelais la famille et annonçais les 10 grammes pris par ma crevette avec fierté... je serrais fort ma Julie, aimante, joyeuse, bavarde... elle voyait bien que j'avais besoin d'être secouée, ramenée à la vie normale... que je devais me souvenir que là, près de moi, il y avait des êtres vivants, qui se levaient chaque matin avec un but, un espoir... une raison de vivre...
Les gens que je croisais dans mon métro du soir avaient de la chance de rentrer chez eux, attendus par leur famille au grand complet...moi je revenais de voir mon bébé, qui commençait bien mal sa vie... j'enviais l'innocence de toutes ces personnes qui n'avaient qu'à se soucier dans l'immédiat que du repas à concocter le soir même... moi je mangeais pour me remplir d'un vide que Manon avait laissé... je n'avais plus de bébé en moi et je n'en avais pas non plus à la maison... je traînais dans sa chambre quand Julie était couchée, assise le dos contre le mur... Le regard perdu...rien ne laissait prévoir qu'un bébé vivrait ici, il y avait tous les cartons de la maison, entassés, immobiles...je n'avais le temps de rien... nous venions d'emmenager, et nous n'avions pas prévu qu'elle arriverait si vite...
Rien ne marquait sa présence effective, sa mise au monde... Manon n'existait pas encore...
Les faire-parts de naissance ont été édités et envoyés une fois qu'elle était sortie de l'hopital... seulement à ce moment... pas avant...
Ce n'est qu'à ce moment que je me suis sentie maman...
Et que j'ai senti que la fatique me quittait...
C'est de cela que je lui parlerai plus tard... de ce bonheur immense de l'accueillir dans notre foyer...
Le reste, c'est inscrit en moi, en elle... tout a été dit par nos regards partagés dans une chambre de néonat... par les calins que je lui faisais sans compter...
Nous le savons toutes les deux...



En neonat...

lundi 13 août 2007

Fait nouveau

Nous sommes dans une région de passage pour les vacanciers désireux d'aller vers le Pays Basque où l'Espagne. Nos amis parisiens font partie de ce type de vacanciers. Ce sont pour la plupart des ex-collègues de travail qui ont su nous visiter dans chacune de nos résidences de mutation. Ils ont vu du pays. Nous aimons recevoir. C'est avec humour que la petite famille que nous accueillions ce week-end nous a dit "Alors, prochaîne étape???"... Nous avons souri et laissé comprendre "qui vivra verra..." Nous aspirons toutefois à de la stabilité.
Cette petite famille ressemble à la nôtre, elle comporte cinq membres, dont trois enfants de sexe... féminin. C'était joyeux, la palette enfantine allait de 6 à 15 ans... Nous étions comblés.
D'habitude, Julie est celle qui suscite le plus d'intérêt et sa chambre est un lieu convoîté. Le rose fuschia, la coiffeuse et son miroir, l'ordi, les éffigies mangas, le petit coin détente sous la mezzanine où Julie écoute ses CD... ça le fait bien.
Zoé s'occupe généralement de la petite dernière de nos hôtes, elle sort ses Doras, chevaux barbie et coloriages pour combler la titounette qui a exactement les mêmes goûts que ma demoiselle... comme par enchantement... sauf cette fois-ci. La titounette a tourné les talons pour jouer avec les dinosaures de la chambre d'en face. Zoé a été surprise, mais bonne joueuse.
Manon a toujours fait comme si de rien n'était. Si quelqu'un voulait pénétrer dans sa chambre, advienne-que-pourra. Elle ne détachait pas pour autant un oeil de son ordi et semblait être absente. Soit le visiteur se sentait de trop et partait, soit il n'osait même pas rentrer...
Manon a changé de comportement. Elle a pris des allures de guide de sa "chambre", elle présente ses dragons, ses livres de dragonologie, ses peluches, ses livres de planètes... elle allume sn ordi et décrit Warcraft. Elle n'omet pas de dire qu'elle met à disposition ses jeux de Mario sur sa gamecube. Et ça marche!!!!
Deux visiteurs cette semaine ont succombé : le petit de 7 ans (de mon amie nounou descendue de Normandie) a passé une soirée scotché à Manon... c'était mercredi soir, lors de leur visite... ce week-end, la petite dernière de nos amis n'a pas quitté Manon, elle a même voulu dormir les deux nuits avec elle!!! Manon lui a raconté des histoires pour l'endormir, a pris soin d'enlever ses dragons fluorescents pour ne pas faire cauchemarder la petite de 6 ans si ébahie... c'était trop mignon...
La petite a fini le week-end avec un seul mot à la bouche "elle est où Manounette??? elle est trop gentille, moi je l'aime!!!"... c'était trop marrant... deux fans en une semaine, nous ne comprenons plus rien!
Nous avons félicité Manon et lui avons demandé si elle était heureuse de partager plus de choses avec les autres. Elle a dit oui et trouve que beaucoup de petits s'attachent à elle... elle est si douce, si attentive... nous savions qu'elle était "aimable" et qu'il fallait juste qu'elle enlève sa carapace... c'est un grand pas, un grand changement...
Pourvu que ça dure!

les étoiles filantes

Pendant trois soirs, il était possible de scruter les étoiles si on en ressentait l'envie. Personnellement, je n'y connais rien en astronomie, mais mon homme et Manon sont de vrais passionnés. Ils étaient exités comme des puces.
Pendant que j'avais une crise de ménage (toc compulsif, façon de décharger un trop plein d'énergie??? je ne sais pas, ça me prend des fois...) Manon a aidé son papa a installé son télescope devant sa fenêtre de chambre hier après-midi. Un coup ça chantait, un coup ça râlait, classique entre le père et la fille.
Bien sûr, sans ciel dégagé, c'était mort. Manon a donc regardé la météo sur google, soufflé pour pousser les petits nuages de beau temps... nous avons eu un beau dimanche estival. Fort heureusement.
Nous habitons dans la première couronne de Bordeaux, de l'autre côté de la rocade (périphérique bordelais), coincés entre Talence (la commune universitaire par excellence) et Bègles (la ville de Noël Mamère)... nous sommes donc bien situés et... éclairés!!! Ce qui veut dire difficile de bien voir les constellations!!!
Nous sommes donc partis vers 22heures hier soir sur Gradignan, à 10mns de chez nous, notre plaid sous le bras, le lainage et le pantalon enfilés, pour participer à la soirée des étoiles filantes, dans le parc de la mairie. Manon était fébrile. Zoé râleuse car fatiguée par un samedi plage et un repas entre amis tardif la veille au soir, Julie avait mal au bide... mais bon, il en fallait plus pour arrêter mon homme.
Il y avait plein de monde, c'était inattendu. Les gens étaient autour du très beau télescope prêté par la mairie, avides de renseignements, car un passionné d'étoiles président d'une association était là, volubile, radieux. Les filles ont regardé poliment et ont fait un "ohhhhhhh!" tout timide... Jupiter était sous leurs yeux, accompagnée d'une de ses lunes, Europe... elles étaient songeuses. Nous nous sommes ensuite étalés sur une couverture dans l'herbe. La mairie dispose d'un très joli parc ombragé et magnifiquement tondu, fleuri, qui doit faire le bonheur des mariés pour leurs photos. Je commençais à être fatiguée, sentant en moi les deux jours écoules où nous avons reçu des amis de Paris, avec leurs trois filles... nous en avons bien profité. je baillais joyeusement quand une étoile filante est passée sous mon pif... J'ai alors fait un voeu furtif, enfoui, espéré... Jean-Phi disait aux filles " vous l'avez vue, là, tout de suite????" Julie a dit "oui, trop beau!", Manon a demandé "où çà?" et Zoé a questionné "quoi qu'est-ce qu'il faut regarder??"... j'ai commencé à me dire que si elles avaient un temps de retard à chaque fois, où le regard braqué à l'opposé, la nuit allait être longue! Je sentais que les moustiques me tournaient autour du visage, j'ai commencé à me mettre des tappes toutes les deux secondes. Alors que nous étions au moins une centaine sur l'herbe pourquoi moi???
J'ai dit aux filles "euh la prochaîne étoile, vous la loupez pas car moi je vais finir en elephant man d'ici 10 mns!!!!"...
Fort heureusement, le ciel nous a gâté... elles ont trouvé cela magnifique et nous avons pu nous réjouir d'un beau spectacle naturel. J'ai avoué à Jean-Phi combien j'avais oublié ce bonheur simple et grisant, reposant, allongée dans l'herbe, à regarder les étoiles...
Manon est rentrée ravie, elle a regardé un peu dans son télescope et a revu Jupiter... toute jaune et brillante...
Ce matin, elle a allumé son ordi et a changé son fond d'écran, toute pressée... de me dire au pettit dej, que Jupiter était sa nouvelle page d'accueil... et son nouveau sujet de conversation préféré!!!

lundi 6 août 2007

Blocage

Manon n'est pas une téméraire. Elle est ce qu'on appelle une "petite fille dans les jupes de sa môman"... et je m'en suis accomodée. je l'ai même cherché. Dès son premier souffle, j'ai été suspendue à chacun de ses grammes et de ses battements de cils... je souhaitais un peu cette complicité, cet attachement. Cette fusion. Celle que sa naissance nous a volé.
Manon est une courageuse, elle n'a jamais rechigné pour franchir les barrières que son corps maladroit et lent lui mettait sur son chemin. Je ne peux qu'être admirative face à son acceptation d'être "différente"... elle trace sa route, à son rythme. Peu importe que le reste du monde vive à 100 à l'heure.
Tout cela pour vous dire que, oui, elle a grandi étape par étape avec une élégance et une gentillesse hors normes, et que, non, elle n'arrive pas à aller au delà de certaines phobies.
C'est contradictoire, je le conçois. Se battre pour vivre comme elle l'a fait dès sa naissance est bien plus difficile que d'affronter... un barbecue.
Car barbecue, il y a eu. Ce week-end. Et il y en aura bien d'autres. Alors...Que faire???? Rentrer dans son jeu et la laisser manger seule à l'intérieur de la maison? Lui demander de respirer calmement et de penser à autre chose, pendant que je suis assise à ses côtés, autour de la table de jardin, à la rassurer...????
J'ai fait cela à chaque fois qu'elle a eu du mal à aller au delà... de n'importe quoi : une leçon difficile à retenir, une visite chez des amis propriétaires d'un gros chien bondissant et lèchouillant, mettre la tête sous l'eau... Que ce soit avec l'aide et la patience de son papa, de son papy, de Julie ou de moi-même... elle a toujours fini par se lancer... et par se surpasser...
Là, je n'arrive pas à la canaliser. Elle se met dans un état de trouille excessif dès que le barbecue fonctionne, que le steack frissonne dans la poëlle, que j'allume une bougie à la citronnelle...
Tout ce qui a rapport avec le "feu" la panique... et rien n'y fait.
Cela a toujours été un fait établi. Mais j'avais réussi à la rendre confiante et nous n'avions plus à affronter sa venue dans la cuisine, affolée, prête à nous dire "Maman, t'es sûre que ce que tu prépares ne crâme pas??," ou "maman, tu restes dans la pièce où tu as allumé la bougie?"... elle avait compris que nous étions prévenants et que nous gérions les situations. Jusqu'au jour où elle n'a pas eu de bol, encore une fois.
Ce jour était celui de mon anniversaire, en mars dernier. Nous étions invités à déjeuner chez des amis proches, un dimanche midi. Des amis qui ont toujours su nous bichonner, et nous recevoir avec les petits plats dans les grands. Je tiens à dire que ce petit incident que je m'apprête à raconter n'a rien changé dans ma façon de penser. Ils sont adorables.
Ce jour-là, c'était fondue bourguignonne au menu. Le poëlon marchait à l'alcool à brûler et montrait des signes de fatigue, d'usure. Nous avions pris un apéritif, une entrée succulente à base de gésiers... les frites trônaient au milieu de la table... Il fallait juste faire trempette avec notre bout de boeuf, tranquillement...
J'étais assise à côté de Manon, à qui j'avais promis que tout se passerait bien, et que j'avais félicité pour son courage, loin des regards. Elle était pile poil en face du poêlon. Et elle était fière de mettre son pique toute seule... Je l'entends encore me dire tout doucement dans mon oreille, pour qu'on ne se moque pas d'elle "tu vois, maman, j'y arrive, et j'ai même pas peur de la petite flamme en dessous..." Je lui avais montré mon pouce levé sous la table en guise de contentement et de complicité. Rien qu'entre elle et moi. J'avais l'habitude d'entretenir avec elle des regards, des codes, des chuchottements sensés lui faire comprendre que j'étais pas loin et que de j'étais super fière d'elle, toujours. Manon pouvait ainsi évoluer ailleurs que chez elle en toute sérénité.
L'alcool à brûler à commencer par faire des éclaboussures. Manon n'a rien dit. La maîtresse de maison a vu et sans que l'on s'en aperçoive, elle est venue derrière Manon et moi, seul endroit accessible,et à empoigner le poëlon avec sa soucoupe et l'a passé par dessus nos têtes... Le feu a pris sur la nappe, faisant sursauter tout le monde. la maîtresse de maison a senti ses mains avoir plus que chaud et a vacillé un peu, déversant de l'alccol à brûler sur Manon. Fort heureusement, l'huile est tombée à côté et a fini par terre, lâchée au beau milieu de la cuisine. Manon avait les cheveux en feu, partiellement. Je me suis jetée sur elle, tout a été vite éteint, et c'est ma manche et mes cheveux à moi qui ont pris feu à leur tour. Mais je m'en fichais. Tout ce que je voulais voir, c'était Manon, partie rejoindre ses soeurs, en toute sécurité... je l'ai entendu crier "oh maman, maman? le feu!!!"... elle avait les yeux affolés...
Tout s'est bien terminé... le pire a été évité. Si l'huile chaude avait été déversée sur elle, cela aurait été catastrophique...
De ce jour, Manon garde un souvenir mitigé. Elle dit qu'elle avait peur du feu bien avant. C'est vrai, mais nous savions la calmer. Actuellement, elle ne se calme plus, elle questionne, suspecte, veut quitter le jardin si les brochettes cuisent... je lui dis "n'aies-pas peur, je suis là!"... Et elle me répond "tu avais dit ça aussi lors de la fondue, que tu étais là, et que je n'avais rien à craindre!"...
Elle a raison. Je ne peux plus me servir de cet argument. Il n'est plus valable.
Je dois être patiente. Et inventive. Le plus dur est de l'expliquer à ceux qui vivent son coup de panique en direct, chez nous ou chez eux, qui la regardent ébahis, et qui ne la comprennent pas.
Comme toujours.

jeudi 2 août 2007

Souvenir, souvenir....

L'époque où Manon vivait rattachée à des fils dans sa petite couveuse est loin derrière moi... 11 années ont passé. Manon fête son anniversaire ce 15 septembre prochain. Je m'aperçois que j'ai perdu mon côté sensible et émotif qui faisait que je pleurais dès que je voyais un reportage traitant de la prématurité... j'ai pansé mes plaies. J'ai appris à vivre avec cette naissance et elle est devenue docile. Elle a même réussi à devenir un souvenir. Elle fera toujours partie de ma vie, de celle de Manon.
C'est comme une cicatrice qui s'est effacée avec le temps, qui s'est embellie, et qui fait partie de mon corps.
La semaine dernière, l'émission "Immersion totale" a consacré son reportage à la vie dans un service de grands prématurés. Je l'ai enregistrée. J'étais au Havre chez mes parents. Nous avions autre chose à faire que d'allumer la télévision. Et je n'avais pas envie de replonger dans tout ça. C'est intimiste, vicéral. Je sais que si je la regarde, il faut que je sois seule. Il y a des sentiments que j'éprouve en voyant un bébé prématuré qui ne sont pas dans ma tête, mais enfouis dans mon ventre. Ceux-là, je suis la seule à les connaître. Et je ne peux pas les contrôler.
J'ai sorti la cassette de ma valise mardi et je l'ai posée sur le magnétoscope. Elle y est encore. Je n'arrive pas à trouver le bon moment. Je préfère me plonger dans un livre de Guillaume Musso, allongée sur un bain de soleil, cachée derrière l'énorme bambou qui décore ma terrasse. Je flâne et je jardine. J'attends que la chaleur passe et comme mon homme finit vers 16h, nous partons avec les filles sur la commune de Bègles, à 1Omns de chez nous, où un lac artficiel nous offre une belle plage de sable fin, une pelouse à perte de vue et des tables de pique-nique.
Je ne trouve pas le moment. Je me demande si je le cherche vraiment.
Ai-ce bien nécessaire de rouvrir d'anciennes blessures? Je tente de me persuader que j'ai enregistré ce reportage au cas où Manon voudrait comprendre sa naissance. Je lui ai dit que je disposais de cette émission qui lui permettrait de mieux visualiser ce qu'elle a enduré. Elle ne rejète pas l'idée de la voir mais répond poliment :
"D'accord maman, mais là je vais bien, t'es sûre?"
"oui, oui, tu n'as rien à craindre."
Elle sourit, apaisée "alors on verra plus tard, d'accord?"
Je pense que pour elle, c'est du passé. Elle se sent libérée de toute la médicalisation qu'elle a subi et elle veut que je la laisse tranquille. C'est légitime.
Je devrais peut-être penser à me laisser tranquille moi-même...
Je vais me faire plaisir. Je vais aller poursuivre mes virées blogeuses dans un "patio" bien accueillant, où il fait bon vivre, et où tout est différent de ma petite vie de maman qui s'en fait beaucoup trop pour sa progéniture....