jeudi 7 août 2008

Manon va avoir douze ans



Ca fait longtemps que je ne suis pas venue écrire ici. Tout simplement parce tout va relativement bien. Mieux qu'avant même. Et quand ça va bien, je n'éprouve pas le besoin de le dire. C'est un tort.

Manon change beaucoup. Physiquement et mentalement. Elle a des séances de kiné hebdomadaires, pour son talon d'Achille. Elle en tire un bénéfice en souplesse et en tension nerveuse. Son kiné (qui est aussi mon ostéo-fasciathérapeute), m'avait dit que la raideur musculaire agissait sur le flux nerveux de Manon. Sur son stress, son angoisse. Il avait raison. Manon gère mieux les situations. Manon affronte sans que je fasse bouclier, sans que je la protège. Sans que je teste avant elle. Manon grandit.

Elle a mal au ventre aussi. Beaucoup. Des changements physiques sont évidents. La puberté est là. Elle la gère avec pudeur et amusement. Elle se trouve mieux dans sa peau, plus jolie. Du moins tout le monde me murmure en la voyant "Dis-donc, elle a drôlement changé Manon??!!! C'est incroyable... ça va être une belle fille. Elle sera plus grande que Julie non?"... le fait de dépasser sa soeur aînée dans un domaine lui procure une fierté immense. Enfin on la remarque. enfin on la compare en "bien" à Julie. Enfin les réflexions sont positives....
Elle a toujours tout écouté, sans en avoir l'air....

Je suis fière d'elle. Je la trouve différente. Elle se sent bien dans sa peau. C'est une belle victoire.
Qu'elle a gagné en partie, seule.

Bien sûr, je crains son entreé en sixième. Mais je ne le montre pas. Car elle le gère plutôt bien. Il me reste à faire le trajet en bus au moins une fois avec elle pour desarmorcer la bombe. la panique de se tromper. De descendre ailleurs qu'à côté de la maison. Julie est dans le même collège. En troisième. Ca me rassure beaucoup. Elle le prendra des fois avec elle.

Manon va manger à la cantine tous les midis, hormis le mercredi où je vais les chercher toutes les deux, Julie et elle. Cela ne l'enchante pas car elle a toujours eu sa pause ordi/lecture/détente le midi. Mais bon, elle ne veut pas courir en prenant le bus non plus. Donc c'est plus simple. En plus, dès septembre, je suis en formation tous les mardis jusqu'en décembre, pour mon travail. Je vais même mettre sa petite soeur Zoé à la cantine, alors qu'elle est encoprésique. Tout le monde va devoir se faire violence cette année. Peut-être est-ce l'amorce pour moi d'une vraie reprise de travail. En dehors de la maison. Reprise envisagée pour dans trois ans maximum.

Un stage d'intégration est organisé par le collège dès les premiers jours en sixième. Une nuit de camping dans une base de loisirs à 30mns de Bordeaux. Vtt, rando et kayak au programme. Le neurologue a certifié que pour le vélo, c'était normal qu'elle ne puisse pas en faire avec l'état de ses pieds, la raideur de son talon d'Achille. Mais il compte sur le bon sens des enseignants. Je ne vais pas pouvoir prendre un rdv avec la prof de sport en temps et en heure. Alors je ne compte pas l'y envoyer du tout. Mais ça m'angoisse. De l'exclure. Sans avoir pu expliquer pourquoi.

On verra bien. Je ne peux pas dire comment ça va se passer et m'en faire trop à l'avance. Et puis Manon va guider les décisions, elle en est parfaitement capable desormais.

Je suis très heureuse pour elle.

On m'avait dit que la puberté avait un effet bénéfique sur les prématurés.
Je le confirme, l'effet est là.
Pourvu que ça dure!

lundi 7 avril 2008

Bilan 2008

Ce matin, j'ai accompagné Manon à l'hôpital pour enfants, situé dans l'enceinte gigantesque du tripode Pellegrin à Bordeaux. Vu d'extérieur, ça parait particulièrement impersonnel, surtout quand on tourne en rond autour pendant une heure pour se garer...
Mais bon, on a trouvé une place, l'entrée, le service et donc, tous les deux, on a fini par tomber dans une salle d'attente à dimension humaine -incroyable- à peine plus grande que chez notre généraliste.
Manon a juste eu le temps d'être mesurée, pesée et tour-de-têtée que le neuromachin -le docteur, quoi- nous recevait (presque) à l'heure, décidément, ça s'annonçait bien.
Jugeant que son dossier était trop ancien (le dernier bilan complet avait été fait à Rouen en 2003), il a décidé de lui refaire un contrôle complet de toutes ses aptitudes.
Il n'est pas spécialement revenu sur sa prématurité, mais a plus longuement étudié la "crise" de convulsion qu'elle avait fait en 1998, sans toutefois insister.
Puis il a procédé à toute une batterie de tests, plus ou moins déjà vus dans les bilans précédents: lever des bras de plusieurs façons, marche sur la pointe des pieds et sur les talons, faire des petits anneaux avec le pouce et les autres doigts, test d'efforts sur les doigts et les bras puis diverses positions des mains et des pieds, réflexes du genou, bref , la totale.
Ceci tout en posant, innocemment, une flopée de questions à Manon, pour étudier son comportement dans un environnement plus ou moins inconnu. Le courant est passé très vite et ma timide Manon a répondu sans contrainte apparente, avec une certaine aisance.

De tout cela, il en ressort une réelle faiblesse des deux talons d'Achille, qui déclenche donc une trentaine de séance de kiné pour assouplir tout l'ensemble pied-tibia-mollet. On a aussi un rendez-vous en juin pour une radio du rachis puis avec un orthopédiste car elle a un début de scoliose. Je crains qu'il ne soit congénital car Véro et Julie en ont une, elles aussi.

En tout cas, omme l'a dit le médecin, elle ne sera jamais une grande championne en sport ! Mais ce n'est pas notre but, loin de là...
Ce qui compte le plus, c'est qu'il n'y ait pas de profond souci neuro-moteur et que la kiné peut la libérer suffisamment pour son activité sportive scolaire qui nous tracasse tant. Quant au vélo, le temps se chargera de la mettre en selle...
A suivre, donc... Désormais, ça sera un bilan par an, promis !

vendredi 1 février 2008

Que dire aujourd'hui...


J'ai fait ce blog avec une réelle envie de mettre "cartes sur table"... il arrive un moment où l'on pose sa valise, où l'on se sent arrivée à bon port, et où regarder en arrière paraît enfin possible...

J'ai longtemps foncé tête baissée, pour ne pas avoir le temps de m'asseoir et de me lamenter... Aller à l'étape supérieure... changer de ville tous les deux ans depuis 2001... recommencer ailleurs... faire table rase d'avant... c'était pratique d'avoir une mutation qui tombe sur le bureau quand tout semblait figé... c'était partir en avant en laissant les problèmes derrière moi...

Quitter Paris en 2001 a permis de tourner la page à la grosse artillerie que représentait l'hopital Trousseau... de dire au revoir à un appartement qui avait vu naître Manon... de s'implanter dans une petite commune où j'espérais ne pas avoir à raconter la naissance de Manon... elle pourrait enfin se fondre dans la masse... aller à l'école sans qu'on me lance des réflexions sur sa lenteur ou son côté lunaire inquiétant... grandir en paix...

J'ai fui beaucoup...

Il arrive un jour où le déclic se fait. Il est arrivé pour elle vers ses sept ans... il a déclenché le mien. Tout était en elle. J'avais passé des années à chercher le pourquoi du comment, à prendre les réflexions des enseignants pour des vérités blessantes que je refusais d'accepter... -et s'ils avaient raison, et si je me voilais la face, et si je défendais une cause perdue....-

Ils avaient tort.

J'ai beaucoup souffert de devoir me battre contre les idées reçues. Manon a longtemps adopté une attitude de repli et d'enfermement qui donnait raison aux réflexions, aux accusations... j'avais beau dire aux soupçonneux qu'elle n'était pas comme ça dans la vraie vie, chez nous... ils me regardaient avec un air complaisant et me lançait un cinglant "On vous dit ça pour son bien, Madame"...

A l'heure d'aujourd'hui, Manon parle de choses lointaines, de scènes scolaires que j'avais oublié...
Elle a gardé en mémoire l'humiliation de certaines personnes...
Elle dit qu'elle ne disait rien à l'époque car elle sentait que ces personnes ne l'aimaient pas, quoiqu'elle fasse...
Nous faisons bloc autour d'elle. Nous avons compris que cette naissance était de toute façon incomprise pour quiconque ne l'ayant pas vécue... expliquer, convaincre... c'était bon avant... Dorénavant, nous arrivons avec un certain applomb, en expliquant que les choses sont ainsi et que Manon sera toujours plus bébé que les autres, plus peureuse, plus solitaire... et alors????L'accueil qu'elle a reçu enfant ne lui a pas permis de s'insérer...correctement... de prendre confiance en elle... de ce fait, elle s'est protégée... beaucoup... trop peut-être...
Oui elle est assez ronchon et agressive quand on la pousse à être un peu ouverte...
Oui elle n'aime pas le sport... et râle quand on l'oblige...
Oui elle parle bas et se tord les doigts quand elle va au tableau...
Oui elle ne regarde jamais les gens dans les yeux....
Oui elle joue seule dans la cour et regarde le ciel... parce qu'aucune de ses copines n'a envie de parler "constellation"... et que ceux qui jouent au foot pendant la récré lui font peur...
Oui elle a encore le profil de la petite fille qu'il faut embêter... hier elle est allée au théâtre avec son école et une petite fille de sa classe qui la traite régulièrement de "singe savant" s'est précipitée pour se mettre le rang derrière elle et lui taper fort sur la tête pendant tout le spectacle...
Oui j'ai apprivoisé ma colère face à la connerie humaine...
Oui j'aime ma fille telle qu'elle est et je n'en veux surtout pas une autre...
Connaître une telle naissance épuise et remet beaucoup de choses en question...
Mais elle enrichit tellement...
Onze après, nous nous sentons plus unis et forts que certaines cellules familiales que nous cotoyons...
Leur souhaiter qu'il leur arrive une tuile de ce style pour "grandir un peu"????
Non, j'en suis pas là... à leur souhaiter de voir leur enfant entre la vie et la mort... non, vraiment pas...

Mais des fois, je me demande si certains savent que cela n'arrive pas qu'aux autres...
Personne n'est à l'abri...
Malheureusement....

mardi 22 janvier 2008

Maman "trouille"


Oui je trouille. On est même pas fin janvier que je me fais déjà une montagne (c'est le cas de le dire!!!)... de son séjour de quinze jours à Luz Saint Sauveur... prévu avec sa classe, fin mars....
Me refaire, je ne peux pas. Je travaille sur moi, je m'auto-immunise contre le stress maternel... du mieux que je peux... mais je dois vous avouer, j'ai hâte qu'elle revienne alors qu'elle n'est même pas encore partie!!!!!
De son côté, elle prend bien les choses. Manon a une facculté d'adaptation, un détachement face aux évènements, que j'admire et que je tente de comprendre... elle a un caractère anxieux, ce n'est pas vraiment compatible.
Sans doute garde-t-elle cela pour elle.... sans doute a-telle besoin de partir de son cocon pour évoluer... sans ma protection maladive... sans doute ne se pose t-elle pas de questions métaphysiques comme moi...
Manon est incapable d'imaginer le mal, l'accident, et voit tout en rose...
Tant mieux... le rose n'était pas au rendez-vous le jour de sa naissance...
Etre parvenus à lui concocter un nid douillet, une belle vie, est notre plus grande réussite... à jenfi et moi...

Le mois de janvier est extrêmement doux cette année... la neige n'est pas au rendez-vous... vous dire que cela m'arrange est une réalité... un soulagement... Manon sera plus à l'aise en rando qu'en ski alpin... même si c'était une belle opportunité que de prendre des cours là-bas... je le sais...
Je commence à répertorier les vêtements chauds, les combis, les jeans, les chaussures de marche... les bottes... Manon a beaucoup changé et grandi... elle n'est pas du tout faite comme Julie... j'ai beaucoup de mal à passer les jeans de l'une à l'autre... va falloir que je me réveille avant la fin des soldes... Manon ne me suivra pas dans mes achats... elle déteste ça...
Il va falloir aussi que je lui coupe sa lourde et longue tignasse... pour lui permettre de se coiffer sans soucis... on va y aller progressivement... première étape ce soir... on raccourcit en douceur...

Je viens d'apprendre que nous sommes de mariage à Paris fin mars... Manon ne sera pas là...
Elle a paru contente car elle n'aime pas les mariages, on s'y couche trop tard et il y a de la musique trop forte!!! Moi je vais penser à elle tout le temps... en attendant son unique appel téléphonique du séjour, le dimanche 30 mars...
Faut que je me secoue...
Elle ne m'appartient pas ma Moumoune chérie... elle doit voler de ses propres ailes... si fragiles...
J'ai deux mois pour accompagner cette séparation en douceur...
Nul doute que vous allez me trouver tristounette au fur et à mesure qu'on va avancer dans le temps...

Manon est une poupée de porcelaine...
J'ai toujours peur qu'elle se casse...
Pourtant elle a des ressources que je néglige trop...
La laisser partir est ma façon à moi de l'admettre...
Et de vaincre ma peur...

samedi 15 décembre 2007

Bilan neurologique

Aujourd'hui Manon avait rendez-vous pour son BCG. Grosse appréhension pour une petite vaccination qui n'a jamais voulu prendre... il paraît que ça arrive... des fois...

Je me suis levée avec un ciel bleu éclatant... la pelouse gelée du jardin reflétait mille petits cristaux quand j'ai ouvert les volets... j'ai jeté un oeil inquiet sur mon olivier, vêtu de son camouflage hivernal, sur mes bambous increvables, sur mes bignones ratatinées... l'hiver endort tout... même mes membres tout juste réveillés... j'ai vite refermé la fenêtre car la chaleur des chambres partaient en fumée... et la douche m'attendait... brûlante, stimulante... la journée s'annonçait bien remplie....

Le rendez-vous chez le médecin était à 10h30, j'avais une chance d'être libérée pour midi... J'ai demandé à Manon de s'habiller vite, car le samedi matin, le pyjama colle à la peau plus qu'en semaine... elle a grimacé en voyant le collant en laine et la jupe en jean ; "oh pourquoi tu me mets ça, maman? j'arrive pas à le mettre, tu sais bien....".... je suis allée la délivrer de ce douloureux machin à enfiler... c'est clair que sans prendre la peine de ramener le collant à la pointe du pied, c'est impossible à mettre... Manon a souri en croisant mon regard qui disait "Forcément, en t'y prenant comme ça, tu en as pour la journée!!!"... c'est le seul jour où je peux l'habiller en "fille". En semaine scolaire, impossible de lui imposer un tel calvaire... surtout quand je lui demande une autonomie totale...

Nous sommes entrées dans le cabinet du docteur à 11 heures. Correct. Rien à voir avec les consultations du soir en semaine, où l'on est censé passer à 18h30, et où l'on franchit le seuil de la porte en tendant une main impatiente vers le généraliste... vers 20h....
Manon était détendue. Il ne l'a pas deshabillée car la chaudière avait rendu l'âme dans la nuit...
La petite piqûre fut rapide et indolore... Manon regardait vers moi, silencieuse...
Je ne viens pas très souvent le voir pour Manon. Elle est rarement malade. Ironie du sort, après tant de soucis quand elle était petite... Le médecin m'a donc proposé un bilan, sur place, poids, taille, forme générale... j'ai abordé ses douleurs récurrentes au mollet... sa difficulté à faire du saut en sport, car toute impulsion la cloue sur place... son incapacité pure et simple à faire du vélo... mon interrogation face au déroulement de sa classe de neige, où le ski sera intense... sa future entrée au collège, et son séjour d'intégration en camp VTT-Canoë...

Il a paru embarrassé. Manon est un cas lourd, complexe. C'est un très bon généraliste, qui a su traiter Zoé avec vigilance et tenacité... m'orientant vers le meilleur gastro-entérologue du coin... et vers un fasciathérapeute incroyablement efficace... je savais qu'il ne prendrait pas une décision sans l'avis médical d'un collègue, neurologue en l'occurence... il m'a donné un mot de recommandation... Manon ne semble pas être complètement responsable des ses incapacités... il veut s'assurer sur l'origine de sa raideur musculaire... savoir si elle est juste comportementale (car mère couveuse, fortes inhibitions, peur du risque...)... même si ses soupçons semblent pencher pour une réelle incapacité physique... que j'ai laissé s'installer depuis son dernier gros bilan en 2003, au CHU de Rouen... pas par négligence, selon lui...mais parce que j'avais envie que le temps fasse son oeuvre...

Le besoin de psychomotricité revient sur le tapis... au galop... et ma peur d'avoir trop attendu m'a gâché un peu la joie de faire la fête cet après-midi avec les petits copains et copines de Zoé... pour son anniversaire... je me suis sentie abattue ce midi, car en moi-même, je vois bien que Manon ne peut pas... et non ne veut pas... les instits de son école qui la connaissent depuis trois ans m'ont tous avoué que Manon était têtue comme une mule, désireuse de réussir, ne supportant pas l'échec.... cela se vérifie dans son niveau scolaire irréprochable... où elle se balade telle une reine... Mais chaque lundi midi, je la récupère ronchon et pleurnicheuse... de sa matinée au stade... soit parce qu'elle se sera épuisée à courir en ayant mal... soit parce qu'elle n'aura pas pu faire le saut en longueur.... soit parce qu'elle n'aura pas pu suivre ses camarades dans les activités collectives, trop intenses, trop violentes, comme le rugby....
Si elle ne voulait pas, elle ne verserait pas de larmes de tristesse et de mise à l'écart... de la part des autres...
Comme elle ne peut pas, elle se sent exclue et montrée du doigt... chose qu'elle redoute, car elle a longtemps été le bouc émissaire, le vilain petit canard...
Je vais prendre rendez-vous, et me préparer à devoir la faire suivre dans la foulée...
Si cela peut lui éviter des moqueries, des vexations, car la prof de sport du collège prendra à coup sûr sa maladresse pour de la flemmardise.... alors il faut que j'accepte le bilan... et le fait que Manon soit exemptée de certains sports...
Elle ne va pas aimer ça, car elle veut être comme tout le monde...
Même si elle sait bien qu'elle ne l'est pas vraiment....

lundi 19 novembre 2007

Accident domestique


Ca peut arriver. C'est ma bête noire. Encore plus depuis que je suis assistante maternelle. J'ai tenté d'investir dans tout ce qui pouvait exister en sécurité enfant (cache-prise, protège-plaque de cuisson, porte froide pour le four, blocs-tiroirs, barrières de sécurité amovible et fixe, produits ménagers et pharmaceutiques inaccessibles....) bref la liste est longue, donc incomplète...
Le petit garçon que je garde est arrivé ce matin avec un bel "oeuf" sur le front, trace violacée d'une chute de la mezzanine de son frère aïné... pour monter, c'est très simple et la planque est trop belle là-haut!... papa et maman peuvent chercher pendant des heures, pff! fastoche pour faire tourner en bourrique!!!! Mais pour redescendre, on fait comment, à deux ans et demi...????? La tête la première voyons!!!!!

Je ne blâme personne, j'ai connu aussi un épisode frontal assez décapant avec Manon....

J'étais en congé parental, je vivais à Paris... Manon avait à peine quatre ans. C'était un mercredi, j'avais mes trois demoiselles à la maison... les mercredis matins couleur grisaille des jours d'octobre étaient plutôt au ralenti... Généralement, les deux plus grandes venaient dans mon lit à peine le signal donné (claquement de porte de papa qui partait au boulot vers 7h30....)... calins sous la couette, chatouilles dans le cou, bisous baveux... Aucune discrétion possible! Zoé ne tardait pas à se faire entendre de sa chambre du fond, déjà bien consciente qu'elle devait tenir sa place... et ne pas être mise à l'écart... Les pieds nus, mes deux têtes blondes partaient alors en courant dans le salon, prenaient place sur leurs petits fauteuils en mousse devant la petite table ronde... la tasse remplie de cacao arrivait, la brique de jus d'orange, le nutella au pain toasté (si si, dans ce sens là, car la couche de nutella ne laissait pas deviner le pain du tout!!!!).... Zoé préférait les bras de sa môman et le biberon lacté de 240ml, avec ses biscuits préférés écrabouillés au fond, à la cuillère, telle une farine épaississante... les fameuses "éditions spéciales" de Lu.... qu'elle affectionne toujours...
Mes filles ont vite compris que le petit déjeuner pouvait s'accompagner d'un épisode de 'Franklin" ou des "trois petites soeurs"... cela permettait de trainailler joyeusement puisque l'école ne bousculait personne le mercredi... tout se faisait dans la lenteur et le côté "cocon" de l'appartement... Zoé me suivait partout, spectatrice gazouillante de ma douche, de mon habillage, de mes crises de ménage... la vie était paisible et douce... j'adorais les mercredis matins...( jusqu'à ce que le collège ne me les pique!!!!!!).....
Le bain était au menu, vers 10h... les filles le prenaient le soir en temps normal, mais à la va-vite... les larmoyants "Maman, je peux rester longtemps et prendre avec moi ma barbie sirène, ste plaît!!!????" ont eu raison de mes mercredis matins.... Rien ne pressait... Bien sûr, elles le prenaient à deux, à savoir Manon et Julie ensemble, histoire de tester la capacité de débordement de ma baignoire, et ma bonne volonté à éponger le sol à quatre pattes!!!!... car il n'y avait pas que barbie sirène comme divertissement aquatique, mais dix mille playmobil et quinze petits poneys rose et violet gorgés d'eau à longueur d'année!!!!.... bien sûr, vous compatissez, car vous savez de quoi je parle....

Un mercredi matin, le bain fut pris, dans la joie et la bonne humeur habituelles. Les babybulles s'étaient joints à la fête, ce qui permettait à Zoé de se hisser le long de la baignoire et de lever les bras pour attraper les joiles bulles réalisées par ses soeurs... énervée de ne rien attraper, si ce n'est un truc collant qui la faisait s'interroger... sur le côté bizarre de ce jeu qu'elle ne connaissait pas...
Julie a toujours eu des idées farfelues, que Manon ne manquait pas d'imiter. Manon a beau être un modèle de prudence, avec Julie, elle suit sans broncher...
Julie est sortie du bain en première, prenant sa serviette au passage, pour s'essuyer vite fait... J'ai enveloppé Manon dans la sienne, la frictionnant énergiquement, car Manon claque facilement des dents... elle a ensuite suivi Julie dans leur chambre commune...
Zoé avait décidé de regarder l'eau s'écouler doucement du bain... je n'étais pas tranquille, Zoé a toujours été plus intrépide et inventive que les autres... je me suis dépêchée de lui sécher les mains, et avant-bras qui avaient tenté une plongée pendant que j'épongeais ses soeurs... j'ai débarrassé la baignoire des intrus en plastique et j'allais fermer la porte... quand un "boum" m'a faite sursauter...
La salle de bain était au fond d'un couloir, qui n'avait que deux fonctions : amener à la chambre de Zoé et celle des deux plus grandes... j'avais un pas à faire pour être dans celle de la petite... quatre pour être dans celle des aînées... trois fois rien...
Je me suis retournée, tenant la porte de la salle de bain pour la fermer... et j'ai vu une forme recouverte d'une serviette de bain, assise dans l'encadrement de la porte.... inerte... Julie est sortie de la pièce affolée, sa serviette de bain encore sur la tête...
"Maman, je voulais pas qu'elle se fasse mal, on jouait à faire le fantôme, et...."
"Chut, calme-toi... je vais lever la serviette, Manon est juste tombée ..."
Manon avait effectivement mis sa serviette sur sa tête... tel un fantôme, elle s'était amusée à sautiller sans rien voir dans sa chambre, faisait un timide 'ouhouh" et avait percuté le chanbranle de la porte, en métal...
J'ai levé la serviette, un peu étonnée de son silence, de son immobilité, et là j'ai crié, bien malgré moi... elle avait le visage, le torse, les cuisses, recouverts de sang... j'ai toujours du mal à réagir au "rouge", au début, comme raménée en arrière, happée par l'odeur sanguine envahissante... Julie a été exemplaire. Elle est partie chercher du sopalin pour que je puisse dégager le visage de Manon... la main tremblante... trop peureuse d'une plaie à l'oeil...
En fait c'était une entaille profonde, qui partait du sourcil juqu"au cuir chevelu, dans le sens de la hauteur... la cause de tout nos émois était plutôt large... il fallait recoudre...
J'ai eu très peur... à cet endroit, ça saigne beaucoup...

Je suis partie avec elle à l'hopital Trousseau, berceau de sa prématurité, endroit maudit qu'elle n'aimait pas fréquenter... elle n'a pourtant rien dit... elle qui d'habitude hurlait devant l'homme à la blouse blanche, de façon systématique et hystérique... pour le moindre regard posé sur elle...
La plaie a été "collée" et non recousue...
Il reste une cicatrice, mais sa lourde frange la cache... et le temps l'estompe peu à peu...
Manon a senti que j'avais eu un blocage, devant son visage en sang, devant son manque de réaction... j'ai dit des choses du genre "ohlala, Manon, répond-moi... Manon parle-moi...!!!!"
Elle m'a pris la main une fois dans la voiture et m'a dit :
"T'as eu peur, maman, t'as pleuré...."
Oui les pleurs étaient mon mode de fonctionnement depuis que je l'avais mise au monde... à chacune de ses souffrances, je pleurais... trop agacée de la voir surmonter tout à ma place... sans que je ne puisse rien faire... à part la regarder...
Manon n'a pas eu d'autres incidents de ce type... heureusement...
Je touche du bois... ce fut ma seule fois aux urgences, pour accident domestique...
Ses soeurs n'ont pas eu besoin...
Mais ça peut être bête, inattendu...
C'était un simple jeu de fantôme avec une serviette en éponge dans un appartement feutré...
Comme quoi, il suffit d'un rien...

lundi 29 octobre 2007

Manèges



Manon m'étonnera toujours. Là où je ne l'attends pas, elle est, et là où j'aimerais qu'elle soit, elle ne veut pas être... contradiction, opposition... je ne sais pas. Disons qu'elle trace sa route, là où elle a envie d'aller. Manon est une petite fille qui prend des risques bien plus grands que ce que son quotidien lui impose... sans s'en apercevoir...
Hier nous avons eu une belle journée d'automne... ensoleillée, douce... le passage à l'heure d'hiver dans la nuit de samedi nous a permis de se lever tôt, complètement en forme dès 7h du mat...(et oui en France, on recule d'une heure fin octobre, et on avance d'une heure fin mars... institution -contestée- pour l'économie d'énergie... ce qui agit bien sur le métabolisme pendant quelques jours et détraque les bébés... c'est ça aussi, être français!)... nous avions annoncé la couleur depuis trois jours... sortie foire de Bordeaux dimanche... youpi, soyons fous... Julie a eu le privilège d'y gouter en avance avec ses amis samedi dernier (petit rappel sur "ma vie de maman")... les intempestifs "et nous alors???" de Manon et Zoé ont eu gain de cause... je ne sais pas accorder un privilège à mon aînée sous prétexte qu'elle a treize ans et que les deux autres iront elles aussi quand elles auront treize ans... le "oui mais moi j'aurai toujours pas d'amis" de Manon m'a crevé le coeur et le "d'ici là on aura encore déménagé et je verrais jamais la foire de Bordeaux moi!!!" de Zoé m'a montré l'ampleur du traumatisme appelé "mutation à répétition"...
Nous voilà donc partis en fanfare... direction le tramway, car se risquer dans Bordeaux relevait du suicide... du risque de tourner en rond en quête d'une place... de voir Jenfi s'énerver et dire "bon j'en ai marre, on rentre!!!"... la sûreté était en un seul mot "transport en commun"... nous avons pu constater que l'idée avait traversé l'esprit de plein d'autres promeneurs, nous avons eu le nez collé sur les vitres et la sensation d'être redevenus parisiens pendant 20mns... Zoé était ratatinée du haut de son 1m25 inexistant... Manon ne décollait pas de près de la porte automatique, trop appeurée de louper la sortie... Julie avait trouvé un petit coin protégé en hauteur et surplombait le flôt de voyageurs... jenfi était à l'autre bout du wagon... et moi j'étais droite, à surveiller mes filles, à côté d'un sexagénère sympathique acoompagné de sa femme et d'un couple d'amis... je lui ai souri... je souris facilement... ça ne coûte rien...
"Vous avez trois filles???"
J'ai hoché la tête.
"Et oui, j'ai pas su faire les garçons... "
"arf.... moi j'ai les deux... la fille m'a fait un petit enfant adorable... le fils ne pense qu'à ses jeux vidéos et il est encore chez papa et maman à 26 ans... alors!!!!"
J'ai rigolé.
"vaut peut-être mieux être seul que mal accompagné???"
"Oui, mais quand même... il dit que toutes les copines qu'il a eu étaient chiantes!!!..."
Il s'est adressé aux filles en souriant :
"Et vous, vous êtes chiantes les filles????"
Un "noooooooooonnnnn!!!" a raisonné, timide pour Manon, hilarant pour Julie, offusqué pour Zoé.
C'était un gentil monsieur... qui nous a dit avant qu'on descende "amusez-vous bien à la foire les filles!!!!"...
J'aime les conversations furtives... celles qui prouvent encore qu'on regarde son voisin, celui qui marche à côté de vous, qui vous jète un sourire... trop de gens se méfient, ne vous regardent plus...
La foire était gigantesque, bruyante. Manon regardait en l'air avec des "waouh" toutes les deux secondes... elle traînait... Zoé me tenait la main, Julie scotchait son père... J'ai demandé à Manon de ne pas trop flâner car la perdre là-dedans, c'était l'horreur absolue... ma peur bleue... ma phobie du kidnapping... elle a pris ma main mais pour vite la délaisser...
Julie avait une bonne connaissance des manèges présents et avait bien pris soin de faire baver sa soeur avec ses expériences d'ados en mal de sensations fortes... Je souriais et me disais que de toute façon Manon ne se risquerait jamais dans de telles "essoreuses à salade"... j'étais loin du compte... elle a accompagné Julie dans un bidule tournoyant et rapide à peine sorti des autos-tamponneuses!!!!
J'étais verte. Jamais je ne monterais à bord d'un tel truc... mais bon... je devais me contenir et ne pas la freiner... Jenfi me regardait du coin de l'oeil et attendait que je m'oppose... non, je me suis conduite en maman confiante... j'ai regardé le tour de manège et j'ai pris sur moi... même si des fois je croisais son regard affolé et la voyant bondir plus que les autres... comme pressée comme un citron... chahutée...
Manon est surprenante. Elle a peur de composer un numéro de téléphone et de parler dans le combiné mais monte dans un manège à grande vitesse... elle a récidivé avec deux autres "instruments de torture"... suivant son aînée avec joie... Julie était fière d'elle... Zoé n'avait pas l'âge, ouf, car là, mon coeur aurait lâché...!!! Nous avons passé un très bon après-midi... Manon est revenue ravie... un peu sonnée, courbatue... mais pleine d'entrain...
Je suis toujours loin de prévoir ses réactions... elle change tellement en ce moment...
Elle prend des risques là où je ne l'attends pas...
Depuis ce matin, elle joue à rollercoaster sur son ordi, et revit sa journée d'hier...
Elle raconte à Zoé combien ça allait vite et combien ça aurait été dangereux pour elle... Zoé lui dit "quand tu auras treize ans comme Julie, bah on ira ensemble, tu me tiendras???"...
"bah oui, j'ai pas peur moi, je ferai attention à toi, t'inquiètes pas...."
Trop mignon, ma Manon qui materne et rassure...

Des photos et un récit different vont suivre sur Jenfiblog... pour les curieux...

mercredi 17 octobre 2007

Réunion scolaire

Tous les ans, nous y avons le droit. Trois semaines après la rentrée, un petit mot dans le cahier de correspondance nous propose cordialement de venir s'informer du déroulement de l'année scolaire de notre chère tête blonde... c'est normal, conseillé et apprécié. Je suis généralement celle qui s'y rend, et de préférence seule... je refuse d'amener ma fille, soit-disant désireuse de me montrer son bureau, sa jolie classe, son travail soigné (!!!)... alors que cinq minutes plus tard, elle me laisse en plan et part courir dans les couloirs avec les autres bambins de sa classe tout aussi desintéressés... calculateurs sont nos enfants... mais sur ce point, je ne cède pas. Je pars seule et j'écoute avec discipline le contenu du programme scolaire...
C'est toujours marrant d'arriver cinq minutes avant... de saluer les visages connus, de s'asseoir à la place de son enfant en jetant un oeil à sa dernière évaluation bien mise en évidence... de s'apercevoir que les enfants dénoncés perturbateurs et bavards ont des parents à leur image!!!
Ce sont ces mêmes parents qui discutent entre eux et n'écoutent rien... qui râlent après les devoirs insuffisants et qui réclament des punitions plus sévères (depuis quand l'école doit-elle faire le rôle d'éducation des parents????)... qui demandent à ce que la classe de neige soit bien de quinze jours (surtout pas moins!!!) car cela leur fait des "vacances inespérées et attendues de pied ferme"!!!!.... Je m'amuse de voir le maître se sortir des pires situations car bien sûr, même s'il s'agit d'une réunion d'information générale, il y a toujours un parent qui en fait une affaire personnelle et parle du cas de son rejeton pendant toute la séance...
Pour la réunion scolaire de Manon, faite ce jeudi dernier, j'ai encore eu la panoplie complète de ce que je viens de décrire... j'étais bien placée, Manon est dans l'allée centrale... j'ai pris note de toutes les nouvelles réformes en matière de soutien scolaire, de préparation à l'entrée au collège... j'ai souri en entendant le sempiternel "il n'y a pas assez de devoirs" et je me suis sentie mal d'entendre un père de famille traiter sa fille de "fainéante" et "d'incapable" devant tout le monde... jamais je ne me permettrais de rabaisser autant mon enfant, même s'il était en difficulté scolaire... le maître a d'ailleurs remis les pendules à l'heure et a souligné le fait qu'un enfant à qui l'école proposerait un "PPRE" (programme de suivi scolaire) ne devait être en aucun cas considéré en situation d'échec par son parent... c'était le sujet qui fâche... nous avions les résultats des évaluations nationales de CM2 et suite à cela, un soutien était proposé ou pas, pour chaque élève...
Manon n'en aura pas besoin... elle passe son temps à me ramener des évaluations taxées d'un Acquis bienfaisant et valorisant... elle se sent à l'aise et ne rencontre pas d'obstacle... j'en suis rassurée et fière... car Manon n'a pas du tout abordé la primaire avec succès et zénitude... je dois dire que je suis assez surprise d'une telle réussite et je ne manque pas de la féliciter et de l'encourager... la flatterie est son moteur... nous ne l'oublions pas et nous faisons en sorte de nous informer de tout ce qu'elle fait...
Je suis restée en retrait pendant toute la réunion. Tout a été abordé. je n'avais pas de questions particulières. Les parents sont partis... seule une maman et moi-même sommes restées, désireuses de parler en privé à l'enseignant qui n'a pas pu s'empêcher de dire "ah! les deux mamans des petites filles les plus timides de la classe ont attendu que la foule parte pour ouvrir la bouche... "... et oui, les chiens ne font pas des chats!!!!
J'ai laissé commencer la maman de G., assez inquiète tant par le retrait de sa fille, que par ses résultats scolaires... je connais le petite fille en question et était étonnée de voir qu'elle était autant en souffrance, d'après les dires de sa maman...
Le maître a alors profité du sujet "timidité" souligné par cette mère de famille pour basculer vers moi, tout doucement.
"Oh vous savez, Manon est aussi timide que G.... mais elle change beaucoup et cela ne veut rien dire... "
Et là il me regarde et me dit triomphant.
"Tenez, miracle, Manon me sourit et me parle à la récré maintenant!!!!"
J'ai sursauté, interrogative.
"Non, impossible????... vous savez, elle vous aime beaucoup, elle se sent bien dans votre classe, je tenais à vous remercier d'avoir su aller vers elle..."
Il a souri.
"Ne me remerciez pas, je suis heureux de la voir comme ça... vous savez, je n'ai rien à redire sur son travail scolaire, elle est irréprochable... à part son côté un peu brouillon, tout va bien."
J'ai acquiescé.
"Oui, je suis très contente de la voir se débrouiller ainsi... c'était juste au sujet du sport que je voulais vous voir... notamment pour la préparation à la classe de neige..."
Il a sauté sur l'occasion.
"Oui, elle n'aime pas trop l'endurance, ni le rugby!!!! elle se met les bras devant le visage quand on lui envoie le ballon... et crache ses poumons en courrant!!!! mais bon, c'est pas grave, je la connais... elle râle tellement en sport!!!!..."
"Oui, elle est très râleuse quand elle n'aime pas... ceci dit, je voulais vous signaler pour la classe de neige qu'elle ne sait pas faire du vélo... au cas où vous feriez du VTT..."
"Ah bon????"
"elle est déjà montée sur des skis mais va à trois à l'heure..."
"?????"
"Et elle a un souffle au coeur et de ce fait court très lentement..."
"Ah il faut effectivement me prévenir de tout cela... pour le vélo, c'est bizarre non, à son âge???"
"Oui, c'est dû à sa grande prématurité... elle souffre d'hypertonie musculaire... tout doit rentrer dans l'ordre vers la puberté... "
Il a paru étonné.
"Mais je ne savais pas qu'elle était prématurée... vous faites bien de me le dire, c'est incroyable... c'est une enfant très attachante... elle vit dans son monde, elle me fait rire car elle ne parle que de ses dragons.... à ce propos, dites-lui de continuer à amener ses livres de dragonologie à l'école... elle réussit à rompre la glace avec les autres enfants grâce à sa passion et elle en tire une confiance en elle nécessaire à son épanouissement... c'est bien..."
J'étais contente d'entendre cela.
"Oui, elle trouve souvent un moyen détourné pour aller vers les autres..."
"C'est pas grave, l'essentiel est qu'elle y parvienne... les autres la prennent un peu pour un singe savant... c'est très marrant, elle est très intello..."
"Oui, vous croyez que ça ira pour la classe de neige???"
"Oui, ne vous faites pas de soucis, je doserai ses efforts... et puis j'étais avec elle en CE2 pour la classe verte, il y a deux ans, c'est la seule qui nous a accompagnés en rando jusqu'au cirque de Gavarny, je m'en souviens très bien, elle nous avait épatés!!!"
Je me suis souvenue de cette sortie dans les Pyrénées qui avait fait l'admiration des accompagnateurs. Manon avait marché sans rechigner avec son sac à dos et ses chaussures de rando toutes neuves... sans râler... jusqu'au bout... laissant ses camarades de classe un peu plus bas en pause pique-nique...
Je lui avais demandé à son retour, étonnée, mais émerveillée.
"bah alors, manon, je comprends pas? Tu es une casanière, tu ne bouges pas de la maison, et là, tu as marché longtemps en pleine montagne sans te plaindre????"
Elle avait paru surprise que je lui demande une telle chose et avait répondu, fidèle à elle-même.
"bah oui, tu sais bien que j'adore les Pyrénées, maman, je voulais voir le paysage de là haut!!! Et puis tu sais, moi je veux vivre là bas plus tard et avoir un patou..."
Manon a une peur panique des chiens et a le vertige dès le premier étage d'un immeuble, j'ai failli m'étouffer en entendant cela!!!
"Tu sais qu'un patou, c'est un gros chien des Pyrénées, un Saint Bernard quoi???"
"oui je sais, j'ai acheté une carte postale avec sa photo dessus avec mon argent de poche, regarde!!! et j'ai même pris un petit patou en peluche au monsieur qui est venu nous vendre des souvenirs au chalet!!!"
C'était vrai. Elle avait fait tout cela...
Manon est un mystère et un grand bonheur. Une petite fille fragile et robuste à la fois.
Je suis revenue à la maison après cette réunion scolaire avec un doux sentiment de légèreté dans le coeur... un bonheur simple et une envie de la serrer tout contre moi...
Je suis arrivée à la maison... tout le monde était en haut, soit à la douche, soit devant son ordi, soit devant un bouquin... le repas était prêt en bas, les bougies étaient allumés dans le salon, les lampes tamisées rendaient tout orange et feutré... j'ai posé mon sac et du bas de l'escalier j'ai dit.
"Manon, prépare tes fesses, j'ai deux mots à te dire!!!!"
Elle savait que je revenais de cette réunion. Elle s'est précipitée en haut de l'escalier, m'a dit timidement "pourquoi maman, qu'est-ce qu'il t'a dit????"... elle est arrivée, les cheveux ébouriffés d'avoir mis son haut de pyjama avec une délicatesse maladroite...
Elle s'est plantée devant moi.
"C'est quoi les deux mots que tu as à me dire, maman????"
Je l'ai attrapée, elle a mis ses bras autour de ma taille et a posé sa tête de côté contre ma poitrine... j'ai déposé un gros bisou sur le haut de sa tête, posant alors ma tête sur la sienne et j'ai dit...
"je-t'aime!!!- voilà les deux mots que j'avais à te dire ma puce...."
Et nous sommes restées comme cela quelques secondes, sans rien dire...
Elle savait que j'étais très, très... fière d'elle...

vendredi 5 octobre 2007

Superstition

Hier soir j'ai revu "Million dollar baby", un film de Clint Eastwood, celui du fameux "Mo Cuishle !"... j'aime beaucoup cette histoire, qui pourtant au départ, ne me bottait pas sur le papier ... cet acteur n'a jamais fait partie de ma filmographie variée... Il est pourtant devenu l'un de mes réalisateurs préférés... Je me souviens d'une soirée frissonnante devant "la route de Madison", où j'ai pleuré toutes les larmes de mon corps... hier soir encore, j'ai vidé ma boite de kleenex... placée près de moi sur le canapé comme une évidence ... un sentiment de réflexion sur la vie m'a accompagné jusque tard dans la soirée... mêlé à la joie de me dire que j'ai une vie formidable, une chance inouïe... et à la peine de constater que la vie peut être cruelle et injuste... tout le temps...
Je ne vais pas vous raconter le film, il faut le voir.... le point qui m'amène à ce billet est dans le personnage de Maggie (la merveilleuse Hilary Swank)... elle dit à la fin de l'histoire une phrase qui me touche et me fait peur "Quand je suis née, je pesais 1,300kgs... mon père disait que je me suis battue pour vivre... c'est en me battant que je partirai...".... Ce fut le moment le plus humide de la soirée pour ma fragile sensibilité... Je me suis mouchée comme une malade et j'ai touché de ma main superstitieuse le bois de mon escalier placé juste derrière mon canapé... réconfort personnel non fondé... maladif... rassurant...
Jean-Phi m'a regardé et m'a dit en souriant "pourquoi tu touches du bois??? qu'est-ce qui t'as fait peur encore???"... et là, je lui ai dit "je regarde la fin, je te dirai après..."...
Le jour où Manon est née, son 1,100kgs m'a paru squelettique et insurmontable... je me demandais si c'était possible de finir l'oeuvre de la nature... si l'Homme n'avait pas là une prétention médicale trop acharnée... je voulais qu'elle vive, par tous les moyens... maintenant qu'elle était là, devant moi, et qu'elle respirait de façon autonome, il était hors de question de me l'enlever... j'ai eu une pensée ignoble et stupide, qui flottait dans mon esprit... si-tu-devais-mourir-mon-bébé-c'était dans-mon-ventre-qu'il-fallait-le-faire-...maintenant-tu es-une-réalité-... tu-ne-peux-plus-me-fausser-compagnie.... tu-m'entends?-.... tu-DOIS-vivre!!!!!
Je réalise aujourd'hui l'absurde immaturité de mes états d'âme... l'impossible deuil à faire... qu'il soit in-utéro ou ex-utéro... le cheminement aurait été le même... souffre-t-on plus de la perte d'un enfant parce qu'on a vu son visage? Parce qu'on a eu un moment de courte vie avec lui???
Je croyais avoir la réponse à cette époque... je pense m'être trompée...
Manon a senti que je lui ordonnais de se battre, tout le temps... épée de Damoclès... supplication d'une maman qui ne peut pas se résoudre à autre chose que la Vie... qui savait qu'elle n'avait pas prévu cela dans son scénario de vie rêvée étant enfant... qui suppliait le destin de lui accorder un peu de répit... un tout petit peu...
Elle s'est battue... comme une grande... de toutes ses petites forces...
Les médecins qui venaient en néonat nous disaient sans cesse "ah, vous êtes les parents de Manon! Sacré petit bout de chou, elle est volontaire votre fille! C'est assez extraordinaire vous savez??? "... Non, nous n'en savions rien... mais nous ne voulions pas qu'elle baisse les bras, jamais... je lui répétais chaque soir avant de rentrer chez moi "A demain trésor... maman t'aime. Et tu n'oublies pas, tu respires comme une grande et tu prends tes dix grammes, d'accord?"....
C'était ma façon à moi de lui dire de ne pas faillir... même en mon absence... jamais...

Le film s'est terminé... le silence s'est installé dans la maison... Zoé a alors chouiné et a sangloté... un vilain cauchemar avait mis plein de frissons en elle... elle a pris notre main et s'est rendormie...
Je n'ai pas mis le nez dans mon bouquin pour trouver le sommeil... j'avais dit à mon homme que je lui dirais pourquoi j'avais touché mon bois réconfortant... j'ai éxécuté ma promesse...
En fait, je n'ai jamais pu me défaire de l'idée que Manon devait se battre... même une fois sortie de la néonat... j'ai toujours eu l'impression que si le ciel devait nous tomber sur la tête, ce serait sur la sienne en premier... comme si sa fragile naissance donnerait suite à une vie rattachée à un fil... comme si elle était vouée à une poisse irréversible... comme si j'avais donné la vie à une enfant qui était une marionnette dont je ne commandais pas les gestes...
Je n'ai pas ce ressenti avec Julie et Zoé... le sentiment normal de peur de les perdre est arrivé au moment même où elles ont poussé leur premier cri... mais je l'ai apprivoisé et dompté... pas avec Manon... ce sentiment est en moi... j'ai peur que tout soit pire pour elle que pour ses soeurs... peur que je sois impuissante face à ses soufrances comme je l'ai été durant les deux mois de néonat... peur qu'on me l'arrache encore... parce que cela aurait pu être fait à sa naissance...
Quand j'ai entendu cette phrase dans le film, je me suis mise à pleurer car je me suis dit "A quoi ça sert ma pauvre Maggie que tu te sois battue avec ton petit 1kg300 pour en arriver là aujourd'hui??? Doit-on toujours revenir à la case départ???"...
Je ne veux pas que Manon ait à se battre de nouveau pour vivre... jamais... j'ai touché du bois pour que cela n'arrive pas... pour me protéger de mon anxiété...
Je suis toujours très inquiète pour elle quand elle part en classe verte ou ailleurs... sans moi... comme si une petite voix en moi me disait "ah, enfin tu la lâches un peu... on va pouvoir faire ce qu'on veut!!!"
C'est ridicule... cette petite voix n'est que l'écho de ma propre peur... de mon incapacité à me débarrasser de la crainte de la perdre...
La prématurité ne donne t-elle pas aussi des séquelles psychologiques à la maman??? Vais-je un jour me réveiller en me disant "ca y est, tu es libre... ton métier de "bouclier spécial Manon" est terminé... prends ta retraite... elle est capable de s'en sortir..."...
J'attends ce jour... ce poids en moins...
Car je pense que cela la freine aussi dans ses élans, ses risques...
Quand Julie se jète sur un manège de la mort-qui-tue, je laisse faire... Mais si Manon court la rejoindre je m'entends dire "euh pas toi Manon, tu vas avoir la trouille!!!!"....
Si quelqu'un connait le remède du je lâche-la'bride-et-je-la-laisse-vivre-enfin je suis intéressée... il est temps que je me soigne, pour son bien, et pour le mien...

mardi 2 octobre 2007

Sautillements

Le début de ce blog a été assez mouvementé. Relater une naissance comme celle de Manon n'était pas qu'une histoire d'accouchement volé, de peur de la mort de mon bébé, de crainte de l'handicap... c'était un "tout"... je l'ai écrit au moment où j'ai senti que la boucle était bouclée...
J'espère que les parents de petits prématurés qui lisent ce récit vont de desespoir en espoir, et non l'inverse.. sinon j'ai tout raté. Je suis passée par des étapes difficiles mais en montant d'un cran à chaque fois, d'année en année... dans l'échelle de la croissance et des acquisitions.
Manon n'a plus vraiment de retombées visibles de sa naissance... elle est plutôt rondelette, charpentée... elle est rarement malade... elle est sage comme une image... elle travaille super bien en classe... elle n'a vraiment pas de quoi nous inquiéter...
Ce midi, comme tous les midis, je suis partie la ramener à l'école avec Zoé... et Noé, affalé dans mes bras en pré-sieste, pauvre loulou... L'école est annexée à une cité de petits immeubles, près d'un petit bois qui leur permet de faire des ateliers gigantesques de jardinage (l'école a gagné le concours national des écoles fleuries l'an dernier!!!)... où même une biche a élu domicile... pour y accéder il faut se garer devant les petits immeubles et s'engouffrer le long de la crèche et de la maternelle, dans une cour fermée... aucun risque qu'un bambin sorte et soit au beau milieu des voitures... Quand j'arrive à ce premier portail, je lâche la main de Noé qui part en sautillant... tout en regardant si je le suis, petit bonhomme pas si vieux... Zoé avance vite car sa "cour d'admirateurs" est déjà en rang d'oignons à l'attendre fébrilement, le visage collé au grillage... elle arrive telle une vraie star... Manon marche tête baissée, la démarche mal assurée, si je devais l'imiter, autant dire que je m'emmêlerais les pinceaux et me ramasserais sur le pavé... je ne sais pas comment elle arrive à marcher avec une telle mauvaise position des pieds, un sautillement, un décalage, une maladresse... elle bat des "ailes" avec ses mains... comme quand elle a un trop plein d'énergie, de stress, de timidité...
Les instits sont souvent au portail suivant, celui qui donne accès à la cour... ils sont de "garde"... ils doivent surveiller l'entrée et la sortie des petits écoliers... ce midi, il y avait la directrice, ex-maitresse de Manon, puisqu'elle exerce le CM1... je la voyais me regarder arriver... l'air amusé... et intrigué à la fois... en dévisageant Manon... si singulière... mais qu'elle a appris à connaitre... et à aimer... je me demandais ce qui se passait dans sa tête quand Manon a ce type de comportement autistique... de démarche bizarre... surtout pour une enfant de 11 ans, c'est étrange... ce n'est plus l'âge où on bouge dans tous les sens... je me suis rendue compte que je n'y faisais même plus gaffe... tellement habituée à voir Manon se "lâcher" cinq minutes par ci par là... tel un oiseau fragile...
Elle n'est pas du tout comme Zoé et Julie sur le plan nerveux... elle est très calme, attentive, sage... mais son comportement peut partir en secousses à tout moment... en relâchement... en sauts inexpliqués ... je me demande si en fait, sous ses airs si sages, ce n'est pas elle la plus hyperactive des trois... la plus sensible et survoltée... par l'énergie qu'elle déploie pour "être" à la hauteur... par le stress de ne pas y arriver...
Je sais que c'est une attitude qu'elle a depuis toujours et je ne l'ai jamais vue ailleurs...
Elle finira sûrement par partir...
Le kiné m'a dit qu'elle avait une maturation nerveuse plus lente... et que son hypertonie musculaire influençait son comportement social... sa maladresse... son côté je-sautille-alors-que-je-suis-en-train-de jouer est induit par ce manque de maturité dans son développement nerveux...
J'espère que cela s'atténuera, comme annoncé... car au collège, elle aura besoin d'avoir un comportement plus adulte... dans son apparence... et même si son mental est en accord avec son âge, voir plus adulte, son corps reste marqué par sa lenteur à grandir... et c'est surprenant... au premier abord...
Je n'ai pas de référence plus agée qu'elle en matière de prématurité...
Je ne peux pas me projeter...
J'ai juste la certitude de voir tout basculer avec les hormones, la puberté... soit-disant que cela est plus marquant chez les enfants nés trop tôt...
Manon commence à avoir mal au ventre tous les mois...
Elle n'a aucune crainte des règles qui vont venir rythmer sa vie avec douleur et souillures rougeâtres... tous les mois...
J'avais pourtant la trouille qu'elle parte en courant en voyant cela sortir d'elle...
Elle ne fonctionne jamais comme je l'aurais prédit...
Heureusement, c'est ça la magie de la vie... nous donner un bien mauvais départ mais nous combler par la singularité d'un enfant qui ne grandit pas comme on l'aurait imaginé...
Manon est vraiment un phénomène... en ce moment, je l'entends se bidonner parce que Julie s'est pris le pied dans le tuyau de l'aspiro, sous son pif... elle est pliée en 4.... son rire résonne partout... c'est très communicatif... je vais aller les voir... et ranger cet aspiro de malheur que j'ai laissé en plan pour aller ramasser mes feuilles mortes devant la maison.... au grand air, avec les voisins qui tondaient et parlaient dehors...
Tout le monde est joyeux ce soir... il fait beau...
Dernières lueurs estivales... ça fait du bien...