lundi 19 mars 2007

la classe verte de Manon

Manon s'est très bien habituée à sa nouvelle école à Villenave D'ornon, près de Bordeaux. Nous avons trouvé un pavillon mitoyen de type 5. Elle n'avait plus Zoé avec elle dans sa chambre. C'était mieux. Manon est une enfant solitaire et calme. Zoé est une petite fille exhubérante qui a toujours besoin qu'on joue avec elle.... deux caractères vraiment opposés!!!!
Manon a aimé sa nouvelle chambre...on l'a décorée en jaune et bleu... elle a exposé ses dragons, ses dino, ses figurines Warhammer... enfin un endroit à son image!!!!



Dans sa chambre...

Elle a eu un lit mezzanine à son anniversaire et a réussi à s'y faire sans soucis... elle avait pourtant donné des signes de tétanie à l'idée d'être haut perchée quand on lui avait dit notre projet... Mais c'est passé comme une lettre à la Poste!!! Elle a vraiment changé de ce côté là, elle a maîtrisé son stress....
Son CE2 a bien débuté. Nous avons eu quelques mises au point à faire vers décembre avec sa maîtresse. Celle-ci ne comprenait pas pourquoi les résultats et le soin n'allaient pas ensembles... pourquoi Manon ne participait pas oralement... Nous avons expliqué qui était Manon et les choses ont pu s'assouplir entre ma fille et cette jeune enseignante très active et compréhensive....
Une classe verte d'une semaine a été proposée pour fin mai. Un chalet appartenant à la mairie est à disposition des écoles de la ville, il est situé à Luz Saint Sauveur. Nous étions enchantés du projet, Manon semblait y adhérer. C'était parfait.
Nous connaissons Manon par coeur... Nous savons exactement quels sont ses besoins au niveau de son rythme de vie, de ses habitudes.... Je ne savais pas comment elle ferait sans sa détente solitaire du soir (lecture ou ordi), sans mon aide pour couper sa viande, pour la coiffer le matin, pour lui faire ses lacets.... Je misais sur l'aide des copines, et sur la volonté de ma fille bien sûr!
Nous avons tout fait pour lui faciliter les choses avant le départ : achat de chaussures de rando avec boule de serrage pour les lacets... nous les avons pris assez grandes pour qu'elle puisse mettre deux paires de chausettes pour les ampoules!!!! Je l'ai amenée chez le coiffeur pour lui faire une coupe pratique... j'ai choisi des vêtements faciles à mettre, à ceinture élastique ou souples au niveau du bouton.... nous avons mis son nom partout pour qu'elle ne se trompe pas...
J'ai choisi des gels douche et cheveux faciles à ouvrir.... A la maison, nous avons changé nos robinets de salle de bains en mitigeur pour la sécurité et la facilité à ouvrir... elle peut ainsi être autonome et se doucher seule à la maison... mais là bas, ce serait certainement des vieux robinets hyper serrés et avec de l'eau très chaude au départ... je comptais sur elle pour se faire aider!!!!!
Elle ne disait rien, elle semblait super zen le week end d'avant le départ. Il faut dire que Zoé était partie avec sa classe deux mois avant et cela lui avait tellement plu que Manon se sentait en confiance... elle avait pris une ou deux BD pour le voyage, un petit déjeuner et un pique nique pour le midi... Tout cela dans son sac à dos.... elle avait précieusement donné l'enveloppe à son institutrice avec les 10 euros pour l'argent de poche (la même somme pour tous les élèves), et ce juste avant de monter s'installer dans le car... Une petite fille lui avait promis de s'asseoir à côté d'elle et c'était chose faite....
Elle avait un regard si bleu et si confiant quand elle est partie... je me suis surprise à me trouver moins forte qu'elle sur ce départ!!!! J'ai senti l'émotion venir mais je me suis contenue... et puis il fallait que j'apprenne à la lâcher bon sang!!!! Un peu de courage!
Nous avons eu un mot sur le portail de l'école le soir même, j'ai foncé dessus lorsque je suis allée chercher Zoé... le car avait fait bonne route et il faisait très beau là bas, chouette!!!!
Je suis rentrée soulagée car la route est toujours une hantise pour moi!!!!
La semaine a été ensoleillée sur Luz, Manon nous a envoyé une carte postale dès le mercredi et c'était marrant de la lire!!!! Elle nous rassurait tout juste sur elle et nous détaillait sa visite au cirque de Gavarny, avec des précisions touristiques à l'appui... elle avait dû bien écouter le guide!!!! Jean-Phi et moi en étions amusés et attendris à la fois... c'était notre petite studieuse, notre petite intello de la famille!!!!
Le retour était prévu le vendredi soir vers 18H30... nous y étions à l'attendre en famille... Zoé avait beaucoup réclamé Manon, se languissant d'elle tous les soirs... Julie était davantage impatiente de savoir si elle n'avait subi aucun desagrément particulier.... Moi je ne voulais qu'une chose, la serrer fort contre moi!!!! Jean-phi était fidèle à lui-même : cool!
Il faisait beau ce vendredi soir de début juin... Tous les parents bavardaient entre eux en attendant de voir apparaître au bout de la rue le fameux car... Nous avions préparé un petit repas qui plairait à Manon pour le souper. On pouvait manger sur la terrasse avec cette douceur printanière, c'était super....
Elle est arrivée avec un peu de retard mais je n'avais pas la pression, j'étais trop contente de la revoir... Elle est descendue du car le sourire aux lèvres et j'étais là à lui tendre les bras quand Zoé a foncé sur elle avant moi, l'empoignant et l'empêchant d'avancer!!!! Zoé est très démonstrative et adore sa soeur... c'était mignon... Julie lui a caressé les cheveux et a commencé à l'aider à venir vers nous...
L'institutrice est venue me voir de suite avec un large sourire. Elle avait constaté toute l'année le côté lent et maladroit de Manon, en dépit de son excellent travail... je ne savais pas à quoi m'attendre... je lui ai demandé si elle allait bien. Je trouvais qu'elle était très dévouée de faire cette démarche d'accompagnement scolaire sur une semaine.
Elle nous a tous surpris en s'exclamant : "Et bien, bravo Manon!!!! elle est extra votre fille, elle m'a bluffée! elle a marché longtemps sans se plaindre, elle a même voulu accompagner les CM2 jusqu'aux sommets alors que les CE2 devaient nous attendre avec l'accompagnatrice!!! Elle mange comme un ogre, se douche dès qu'on lui demande, ne se plaint de rien.... Et on a eu des fous rires avec elle dans le car, on ne sait toujours pas pourquoi elle se bidonnait autant!!!! vraiment vous pouvez être fière d'elle!"
Manon était émue et flattée. je l'ai embrassée fort et je l'ai félicitée.... elle le méritait!!!!
L'accompagnatrice est venue me voir. C'est une personne adorable qui fait beaucoup de choses pour l'école: classes vertes, jardinage, sorties pour les vendanges, etc.... Elle avait su s'occuper avec un grand soin et une grande gentillesse de Zoé lors de la classe de neige deux mois avant. J'avais confiance en elle. Elle est arrivée vers nous, nous l'avons embrassée et elle m'a dit "chapeau ta fille!" et cela a suffi à me ravir....
Manon était souriante et heureuse de nous revoir tous mais elle semblait malgré tout déçue... Je l'ai aidée avec Jean-Phi à récupérer son gros sac et c'est là qu'elle a avoué qu'elle avait perdu son livre sur la visite de l'élévage des aigles, acheté sur place.... Elle l'avait mis dans son sac à dos le matin avant de partir, ce même petit sac à dos qui resterait avec elle dans le car... elle voulait le lire pendant le voyage.... trop emballée par cette visite faite la veille du départ...
Elle nous a expliqué que le car avait fait une halte pour le goûter et Manon a alors vu que sa bouteille d'eau avait été mal refermée et s'était déversée partout sur le livre dans son sac... elle avait certainement eu du mal reviser le bouchon, cela lui arrivait souvent.... Elle est alors descendue pour se mettre sur une table de pique nique et a mis à plat son précieux livre à sécher au soleil, juste à côté d'elle.... et elle a goûté....
Je connais ma puce et son côté lunaire, rêveur... le retour dans le car a dû se faire par un claquement de mains des instits et un énergique "allez tout le monde remonte, on y va!!!" et Manon a dû sursauter et se précipiter, de peur d'être la dernière.... Le fameux livre est resté seul sur le banc, à gondoler joyeusement... sans Manon....
Il lui restait fort heureusement son petit Saint bernard en peluche acheté chez l'artisan local, elle avait pris soin de le mettre dans son gros sac de voyage.... à l'abri... mais elle semblait inconsolabe face à ce livre... J'étais triste pour elle et nous lui avons promis de retourner un jour dans cette région, rien que nous 5, pour voir ce si beau sîte... Nous adorons bouger.
Et ce serait bien de connaître ce chalet qui va encore l'accueillir pour deux semaines en classe de neige en CM2.... Zoé va repartir en CE2 également....cela nous donnerait une idée de ce qu'elles vivent, sans nous!!!
Manon nous a raconté son séjour au cours du week end, elle était enchantée et nous étions très contents pour elle. Elle a toujours aimé la montagne. Elle nous dit souvent qu'elle aimerait vivre dans les Pyrénées, ou en Ardèche, avec un Saint bernard et un élevage de moutons!!!!... là où la nature est un régal pour les yeux... et où on prend le temps de vivre... elle s'émerveille toujours devant de beaux points de vue, elle est très sensible aux couleurs, aux odeurs que lui apporte le vent... Elle est à l'image de ce qu'elle aime, simple, naturelle, paisible... c'est une force tranquille. Elle se contente de peu et s'extasie facilement, elle se marre pour un rien.... elle vit les choses à 100%. Elle a compris l'essentiel....
Ce séjour a permis aux instits de son école de l'apprécier davantage et son futur maître de CM2 la connait déjà très bien... Il a participé à la classe verte avec son groupe d'élèves en même temps que le CE2 de Manon... Manon était même plus souvent avec les CM2 qu'avec ceux de sa classe, du moins pour les activités... cela prouve qu'elle n'est pas si immature que cela.
Cette année scolaire s'est terminée dans la joie et la bonne humeur, avec une fête de fin d'année basée sous le signe de la danse pour Manon et Zoé... Manon n'est pas à l'aise dans cette discipline mais elle m'a épatée, encore une fois!!!!... Zoé s'est trémoussée comme une folle sur Grease et a bien fait rire l'assistance!!!!
Les vacances en Catalogne sont arrivées et nous en avons tous bien profité.... Manon a adoré le sîte romain de Empuriès, Cadaquès et ses jolies couleurs, ses peintures, ainsi que Barcelone et sa frénésie... nous avons fait le plein de mer et de soleil... pas de télé, pas d'ordi... rien que des BD, des livres, des coloriages... à découvrir pendant les heures chaudes de la sieste... des sorties nocturnes le long de la plage de l'Escala, envahie par son marché coloré et la foire locale.... du chorizo à gogo, de la plancha, du lomo..... bref tout ce qui fait qu'on est loin des horaires du quotidien, de l'école, du boulot et des soucis.... Zoé n'était pas malade, son encoprésie s'éfface toujours pendant les vacances... comme par magie... et pour moi, c'est un vrai gros souci de moins, pendant deux semaines....

A Empuries...



jeudi 15 mars 2007

2005, Départ dans le Sud Ouest

Nous avons appris rapidement que le poste de Jean-Phi allait être supprimé au Havre. Nous avions pu quitter Rouen pour se rapprocher de mes parents, de ma famille... Mes les incessantes restructurations de la maintenance informatique en ont décidé autrement: c'était soit Lille, soit... à lui de trouver... J'ai commencé à rire jaune...
Ma mère ne pouvait pas comprendre cette mobilité professionnelle qu'on nous impose aujourd'hui... Elle voyait Jean-Phi se faire une place de receveur en pays de Caux, près du Havre... Cela voulait dire renoncer à l'informatique et retourner faire du commercial, après tout, pourquoi pas... Mais il n'en a même pas eu l'occasion: les restructurations touchant tous les services, le commercial aussi n'avait plus de place à lui proposer. Il n'y avait qu'une seule solution: quitter la région... Nous avons donc dû amener les choses avec diplomatie et souplesse...
Ma mère ne voulait pas qu'on parte de nouveau....
J'ai donc mal vécu cette fin 2004 et ce début 2005.... J'avais un petit garçon en garde à la journée, une petite fille à la journée aussi, et son frère qui venait le soir après la maternelle...
Je ne manquais pas d'occupation... La fatigue physique empiétait sur ma fatigue morale....

Manon a fait un CE1 très bon, sans soucis. Nous n'avons pas eu d'incident particulier à mettre à son compte... elle allait bien...


Vacances à la neige, débuts en ski avec papa

La seule chose qui a été difficile à gérer fut le départ en congé maternité de sa maîtresse en janvier... c'était une institutrice super et elle allait manquer à tout le monde... la remplaçante exerçait déjà dans l'école en tant que "brigadière", elle faisait des roulements avec la directrice.... c'était une femme gentille et très franche... elle connaissait Julie car ma fille était dans le CM2 de la directrice (classe que cette enseignante prenait deux fois par semaine)... elle s'attendait donc à trouver le même type de petite écolière....
Manon a vite montré son caractère farouche et posé. Cette remplaçante s'occupait de la chorale de l'école et avait donc choisi de chanter avec la classe de Manon pour la kermesse annuelle de fin d'année scolaire... Manon était la plus petite en taille, malgré son année d'avance. Elle a donc occupé le premier rang, en plein milieu, face à sa nouvelle maîtresse devenue professeur de chant....
C'était terrifiant pour elle, une telle proximité, yeux dans les yeux... elle était figée.
Je savais qu'elle n'aimait pas ce cours de chant car elle était nerveuse chaque jeudi matin, le jour fatidique de l'entraînement....
C'était mon jour de repos de la semaine, je partais les accompagner toutes les 3 le matin en classe et je rejoignais celle de Julie à 9h pour le cours de voile.... le côté maritime de cette ville avait du bon. Le CM2 bénéficiait d'un trimestre de voile dans un bassin du centre ville... c'était super... J'ai toujours tout fait pour être accompagnatrice dans les activités scolaires des filles... bibliothèque et lecture d'histoire en maternelle, sorties dans les musées parisiens et visites des fermes de la Chevreuse... Thoiry et sortie médiathèque en primaire à Rouen... activités patinage et voile au Havre pour Julie... sortie pêche pour Zoé... j'essayais toujours d'avoir un jour de repos ou une matinée pour m'y consacrer....
Je passais donc mon jeudi matin en plein vent à me geler sur le bord du bassin avec deux autres mamans... Nous devions aider au choix du matériel, car les enfants s'occupaient eux mêmes de leur "Optimist".... il fallait mettre la voile, le gilet de sauvetage... nous étions là pour recueillir les élèves qui faisaient une éventuelle chute dans l'eau... ce qui est arrivé deux fois... il a fallu doucher et sécher le pauvre enfant tremblant et déçu à chaque fois de ne pas finir sa séance.... c'était de janvier à mars, il faisait très froid....
Je revenais le midi généralement le pif rouge, les mains gelées et la tête saoûlée par le vent... je n'avais pas envie de traîner à l'école... je voulais prendre mes trois filles et vite revenir à la maison pour mettre le steak dans la poële!
Un jeudi midi, j'ai malheureusement trouvé Manon en plein émoi, les yeux effrayés, les sanglots dans la voix... elle n'arrivait pas à me dire ce qui n'allait pas et j'ai senti la crise de spasmo montée en elle... elle n'arrivait plus à respirer...
J'ai donc pris la décision de rentrer dans le préau et de demander poliment à sa maîtresse si Manon avait eu un problème scolaire ce matin... Elle m'a dit que non... étonnée...
J'ai tout de même insisté car Manon se raidissait et sa maîtresse m'a alors dit "oh lala, elle nous fait quoi Manon????"... et là j'ai entendu Manon dire "c'est la chorale, je veux plus le faire...."
J'étais contente que ça sorte et j'ai donc voulu en savoir plus....
En fait Manon ne chantait jamais, elle faisait du playback... Je m'en doutais un peu car elle ne parle déjà pas fort, alors chanter, c'était inespéré! Cela ne me semblait pas être une catastrophe, chacun son truc.... l'essentiel était qu'elle connaisse ses textes, et c'était su par coeur....
Cette maîtresse adorait le chant. Elle avait remarqué le coup de bluff de Manon et c'était le matin de trop... Excédée elle l'avait sermonée très fort et avait exigé qu'elle prenne sa place et chante seule devant tout le monde.... Manon n'avait pas bouger de sa place...elle avait alors décidé de prendre Manon par le bras, l'avait retournée face à ses camarades et avait ordonné qu'elle pousse la chansonnette devant un public moqueur et indiscipliné... Manon avait alors pleuré et refusé d'obéïr...la maîtresse lui avait alors infligé une punition... elle lui avait dit qu'elle chanterait seule devant tous les parents à la kermesse de l'école... et que cela lui donnerait une bonne leçon....
Manon l'avait pris pour argent comptant.... et je devais gérer la crise maintenant...
J'ai demandé à sa maîtresse pourquoi une telle humiliation???? Pourquoi ridiculiser une pauvre gosse qui n'a pas un sou de méchanceté et qui travaille très bien en classe???? Et là elle s'est trouvée confuse et lui a dit "oh c'est une blague Manon, tu ne chanteras pas seule, voyons..."... Manon a répondu "si ! vous l'avez dit très fort et moi j'ai peur des gens...."... J'ai soupiré. J'ai pas pu m'empêcher de dire que j'en avais assez de subir ce genre de choses depuis des années... que je ne comprenais pas pourquoi il était facile de punir une enfant sans méchanceté pour une broutille alors qu'un gosse turbulent qui lui avait planté un crayon dans le doigt l'année d'avant n'avait jamais été inquiété de rien... il avait juste changé de place sans être humilié.... Etait-ce plus facile de lâcher ses nerfs sur la plus inoffensive? je savais que certains élèves étaient durs à gérer, ce quartier était en zone sensible et des élèves avaient déjà été expulsés une semaine pour coups portés sur les enseignants.... les institutrices devaient être blindées et les journées ne devaient pas être des parties de plaisir, je le conçois... mais cette maîtresse ne s'attaquait pas à une forte tête, elle déversait son malaise sur quelqu'un dont elle n'avait rien à craindre....
J'ai eu des excuses et tout s'est arrangé... cette maîtresse avait compris qu'elle avait été trop loin. Et Manon a pu compter sur elle après... j'ai apprécié cette institutrice au cours du temps....
Ce fut le seul incident de l'année...

Nous avons su que nous partions pour Bordeaux fin mars et cela a changé tous nos plans, toute notre vie et celle de mes parents, très attristés....tout comme ma mamie, et mes cousins....
J'ai eu un printemps difficile et éprouvant nerveusement... Zoé avait eu la batterie de tests lavement, coelioscopie, manométrie... la maladie de Crohn était écartée, mais pas celle de Hirschprung..... nous avons vécu avec une angoisse terrible.... puis la gastro-entérologue a été rassurant et nous a donné les coordonnées de son collègue à Bordeaux.... Je suis partie avec la ferme intention de tout reprendre à zéro là-bas, pour Zoé....
Manon a été très zen face à ce départ... Julie était soulagée car le collège du quartier l'effrayait et elle avait subi des violences scolaires assez graves en CM2, du racket.... je ne pouvais pas rester dans cet environnement de toute façon.... Je n'ai jamais pu me faire à la violence et à ce qu'elle représente... cette ville m'avait apporté une enfance placée sous l'emprise d'un père violent... et elle me ramenait à la case départ... j'ai subi cela de plein fouet et je suis partie de Normandie avec un triste constat d'échec... je n'avais pas réussi mon retour aux sources....
J'ai eu de fortes crises dorsales, j'étais épuisée et usée.... L'IRM a révélé une hernie discale calcifiée et pas mal de gêne au niveau du nerf crural, et sciatique, ainsi qu'une arthrose de la hanche.... je crois que mon corps a lâché à ce moment là....
Nous sommes partis en juillet pour le Sud Ouest, sous une chaleur et un soleil de plomb....

L'anniversaire de Manon

Mes parents sont venus dès le mois d'août et la santé morale de ma maman n'était pas terrible... je le vivais mal...
J'ai beaucoup culpabilisé car, pour ma part, j'étais très heureuse dans ma nouvelle vie... et c'était difficile de se réjouir en les sachant mal....
Mes parents, tout comme ceux de Jean-Phi savent combien il est important pour nous de les avoir près de nous... pour notre équilibre...

Je ne souhaite qu'une chose, que mes parents fassent le grand saut et nous rejoignent....
Cela, l'avenir nous le dira... Il faudrait déjà être sûr de ne plus bouger !

vendredi 9 mars 2007

son deuxième CP

Il avait fallu inscrire les filles en urgence à la mairie fin août. J'avais l'impression d'être sur une autre planète, nous étions encore dans les cartons à la maison. Nos repères étaient explosés, j'avais l'impression de ne passer mes journées qu'à faire des tâches admnistratives. Je m'étais précipitée à la PMI afin de valider mon agrément. Il fallait que je retrouve une garde de bébé rapidement. La maison n'était pas vraiment aux normes pour la visite de reconduction de l'assistante sociale. je m'acharnais donc à rendre cette maison la plus vivable possible...
Le jour de la rentrée est arrivé. Il faisait beau. Cet été 2003 était vraiment chaud. C'était inhabituel pour la région, comme pour toute la France... La fameuse canicule...
Manon était dans une cour différente de celle de Julie. Au Havre, les écoles primaires ont une facheuse habitude à scinder en deux les niveaux. D'un côté, du Cp au CE2, de l'autre les CM1 et CM2. Cétait déjà comme cela à mon époque, dans l'école primaire située dans un quartier de la ville haute du Havre. Julie ne pouvait donc voir Manon qu'à travers un grillage de séparation. Cela m'effrayait un peu car Julie était souvent le bouclier de sa petite soeur. Manon allait devoir s'affirmer et se défendre seule.
L'appel de rentrée fut fait dans la cour. Le directeur était perché sur un tabouret, un homme très gentil, proche de la retraite, barbu et grisonnant. Un brouhaha infernal couvrait ses mots et il fallait être très attentif pour espérer entendre son nom ! Manon mettait nerveusement ses doigts à sa bouche, les ongles déjà bien rongés. Son cartable paraissait trop lourd tant elle semblait accablée... par la reprise scolaire. Je lui tenais la main en lui caressant la peau machinalement, comme pour la réconforter.
Sa maîtresse était jeune, nouvelle, très souriante. Je ne suis pas physionomiste, mais là, il était facile de voir qu'elle inspirait la sympathie et la confiance.
Manon est partie tête baissée et j'ai senti venir une boule dans ma gorge. C'était fait, les dés étaient jetés....
Je suis partie rejoindre Julie qui se débrouillait seule dans sa cour car Jean-Phi était avec Zoé en maternelle. Ah, le difficile partage en trois!
Julie avait paniqué un peu et une fillette l'avait rassurée et conduite vers son rang. Je suis allée attendre avec elle qu'elle monte dans sa classe et j'ai foncé à la maternelle....
Zoé était très accrochée à moi. J'avais donc préféré laisser Jean-Phi faire sa rentrée. Je craignais trop les larmes et le regard implorant de ma puce... mon talon d'Achille, mon point faible... Zoé a toujours su me faire fondre.
J'ai regardé le déroulement de sa rentrée derrière la vitre de sa classe, depuis l'extérieur... les classes étaient en enfilade dans la cour, équipées de grandes portes fenêtres avec rideaux... c'était pratique.
Les rentrées scolaires n'ont jamais été ma tasse de thé. Je passe toujours un très mauvais moment. Cela s'améliore au fur et à mesure qu'elles grandissent... et s'habituent autant que moi.
Mais je garde des souvenirs déchirants des rentrées en petites classes.
Une semaine après la rentrée, j'ai déjà du faire face au premier "drame" de la vie scolaire de Manon. Elle est sortie le midi avec le doigt rougi d'un "point de sang" étroit et profond, mais elle s'est bien gardée de me le dire au moment où je croisais sa maîtresse. Elle a lâché tout dans la voiture, en pleurant. J'étais au volant, à écouter le récit qu'elle arrivait péniblement à me dire.
Manon avait eu un crayon de bois de planté dans le doigt par son charmant voisin de classe. La mine était fraîchement taillée, le matériel scolaire fourni était neuf, prêt à l'emploi. Manon m'a dit que son petit voisin était très agité et lui parlait tout le temps... et qu'elle ne lui répondait pas... apeurée, intimidée... celui-ci lui a donc dit "tiens, ça va te réveiller, çà !!!" ... Manon a sursauté, elle a saigné... mais n'a pas hurlé. La maîtresse n'a donc rien vu.
Ce n'était pas dramatique. Mais ça commençait mal, je voulais prendre les devants. Je suis retournée à l'école à 13H30 avec la ferme intention de raconter tout à son institutrice, sans l'accabler, en rien. C'était son petit voisin le coupable, personne d'autre.
Son institutrice était très surprise et attristée pour Manon. Elle m'a avoué avoir mis ce petit garçon agité à côté de Manon car elle était sûre qu'il ne pourrait pas bavarder et faire le pître à côté d'une telle élève modèle. Manon était plus agée que les autres et elle la croyait donc plus affirmée et capable de se faire respecter. Elle s'est empressé de le changer de place et a mis Manon auprès d'une gentille petite fille.
J'ai toujours eu ce souci avec Manon, dans chaque classe. Son côté porcelaine et muet a toujours donné l'idée géniale aux instits de lui coller le plus turbulent du lot... Cette fâcheuse tendance n'a, hélas, jamais donné de bons résultats... Manon en a toujours souffert. Je suis donc obligée d'intervenir chaque année pour qu'on lui mette quelqu'un de posé à côté d'elle. Sinon elle déguste, il n'y a pas d'autres mots. Ce choix n'arrange qu'une personne, l'enseignant. Je suis fort heureusement toujours tombée sur des maitresses qui ont compris leur erreur. Et qui l'on réparée.
Côté apprentissage, Manon a su lire dès le début du mois de septembre, et a entamé un premier trimestre fulgurant. Elle avait enfin eu le fameux "déclic". Tout n'était plus flou. elle m'a dit un soir en faisant ses devoirs: "Maintenant je vois la réponse dans ma tête, avant je ne voyais rien..."
Et elle a commencé à s'épanouir sur d'autres plans. Elle a mis le nez dans les BD, les "Tom-Tom et Nana" de Julie... elle a pu jouer aux jeux d'ordi qui la faisaient tant saliver et qui nécéssitaient de lire des consignes... qu'elles ne comprenaient pas l'année d'avant... elle aurait pu nous demander de l'aide à cette époque mais préférait regarder Julie faire... C'est alors qu'on a vu que sa petite tête bien pleine avait tout enregistré car elle a fait de très bons scores à ces jeux. L'élève avait dépassé le maître....
Elle mettait un point d'honneur a réussir, sans lâcher prise. Le fait de partager quelque chose avec Julie la mettait en confiance et les deux soeurs avaient enfin un terrain commun d'entente... on devenait une famille comme une autre, enfin.
Julie ne pouvait pas faire entrer Manon dans son monde : celui-ci n'intéressait pas ma petite nouvelle "Einstein"... Julie était en plein dans sa période Diddl et Lorie, elle était très soucieuse de ses longs cheveux blonds et était coquette.... Manon se fichait royalement des petites souris blanches (même si elle a fini par en vouloir quelques unes, malgré tout) et n'écoutait pas "Week end" en boucle !!!... elle avait vu un jeu en démo sur une console dans un magasin spécialisé (entraîné par son père qui me fausse compagnie pendant que je suis attirée par des fringues et autres "babioles"...) et ne rêvait plus que de cela... On était admiratif de la voir se passionner enfin pour quelque chose. Elle était volubile, guillerette, et sacrément documentée... elle allait sur le net avec son père.... et rêvait devant ce qu'elle y trouvait...
Noël est arrivé. Manon a eu cette console tant convoîtée et désirée... Inutile d'acheter des petits trucs qui ne la tenteraient pas, tout le monde s'était cotisé pour lui faire plaisir.
Mario et Yoshi sont entrés dans sa vie, petits personnages de GameCube rigolos et adulés par tant de fans.... Manon a tout de suite pris en main son nouveau jouet et les parties en famille ont rythmé notre hiver normand... elle était toujours aussi studieuse en classe. Et je ne déplorais aucun tracas particulier. Elle avait pris de l'aplomb. On le voyait en elle.
Au printemps 2004, Jean-Phi est parti faire un stage à Chartres pour le boulot. Cela durait une semaine. J'avais un petit garçon à garder depuis Octobre 2003, nous menions une vie tranquille. J'ai géré la petite famille, l'école et le petit Kyllian sans soucis... Je n'aime pas être seule en général. Mais là j'avais la présence rassurante de mes parents en cas de pépin mécanique éventuel... car notre voiture avait mal démarré l'hiver... je craignais une récidive!
Tout s'est bien passé. Le vendredi, je suis allée chercher Jean-Phi à la gare en famille. Nous étions de vrais gosses, impatients de le revoir. J'avais su qu'il avait deux heures de changement à Paris, où il s'aventure toujours facilement. Ce fut bien le cas ce jour là. Il avait mis à profit cette attente entre deux trains.
Je l'ai vu descendre du corail avec un sac dans lequel une petite tête verte dépassait. Manon a vu mais n'a pas osé y croire. Il avait fait un saut de puce dans une boutique spécialisée dans le quartier latin. Les produits dérivés des jeux de Mario et Yoshi étaient déjà très durs à dénicher, et le sont encore. Il avait trouvé une peluche originale de Yoshi, vraiment trop belle. Manon était émerveillée. Cela faisait plaisir de la voir écarquiller les yeux et le serrer fort contre elle. Ses soeurs étaient contentes pour elle, même si Zoé commençait aussi à affectionner ce petit personnage si typique !










Yoshi




Nous avons l'habitude de ne jamais faire de différence. Ce Yoshi n'arrivait pour aucune occasion particulière. C'était l'opportunité du passage dans la capitale qui avait fait tilt pour Jean-Phi, très au courant des lieux de vente du petit dinosaure vert....
Nous avons donc donné à Zoé et Julie de quoi s'offrir un cadeau équivalent... Ce fut du Diddl pour Juju, et du Dora pour Zoé... Ces deux filles sont de parfaites victimes du marketing, mais on est bienveillant, enfin on croit... Le but était que chacun y trouve son bonheur...
L'année scolaire était une vraie réussite, un vrai soulagement. Le fait d'être en ZEP permettait à Manon de faire pratiquement tous ses devoirs en classe, avec l'aide de sa maîtresse si elle le voulait. Nous y trouvions un certain confort puisque nous ne passions plus nos soirées à batailler avec elle... et elle pouvait se relaxer, jouer.... avant l'heure de la douche et du dîner.
Elle a tiré de ce redoublement un grand bénéfice. Elle maîtrisait ses matières et se sentait au dessus des autres. Cela lui permettait de prendre confiance en elle et cela découlait sur sa vie à la maison....
Nous n'avons pas de souvenir précis de clash ou de crise d'angoisse... c'est très marquant... tout a été facile...
Les beaux jours sont arrivés et nous avons pu aller nous promener en bord de mer... le Charles de Gaulle venait en escale au Havre et nous avons passé une super soirée à flâner sur le port... le Havre était vivant, pour une fois.... cette ville n'a pas la réputation de bouger beaucoup...

Le Charles de Gaulle au Havre


Nous préparions nos vacances d'été avec joie. Nous allions dans le Sud-Ouest voir les parents de Jean-Phi. C'était normal, ils ne nous voyaient pas souvent. Et ils réclamaient leurs petites filles... Nous avons réservé une semaine à L'escala en Espagne en commun avec eux. Mes beaux-parents connaissaient ce coin grâce au comité de jumelage de leur ville et avaient adoré. Je le comprends maintenant, je suis devenue accro à la Catalogne ! Nous avons passé un été très ensoleillé et joyeux. Manon a appris à nager et s'est éclatée dans la mer en Espagne.... elle a toujours beaucoup progressé lors des périodes de vacances, en dehors de chez nous. Je le constate encore. Je ne l'explique pas, par contre... Le changement d'air ?
Je n'avais plus aucune pression quant à sa santé, son développement. Elle prenait son temps, mais peu importe. Je ne comprends pas après quoi les gens courent... Je pense que tout arrive quand ça doit arriver...

Zoé a commencé à être de plus en plus malade. Nous avions constaté depuis son entrée en deuxième année de maternelle qu'elle se retenait pour aller à la selle. je ne m'étais pas trop inquiétée durant sa première section. elle faisait dans sa couche à la sieste l'après-midi...
Cette année-là, elle avait eu école matin et après-midi. Elle avait donc mis les bouchées doubles pour se retenir. L'été 2004 a été révélateur de cette maladie dont elle souffre toujours aujourd'hui: l'encoprésie. Elle se baignait beaucoup en juillet et ça allait bien... elle faisait des selles dans sa couche de temps en temps... j'étais laxiste sur le fait de la mettre sur les toilettes car j'avais connu avec Manon une longue période de troubles lors de l'acquisition de la propreté, et sa maturité avait déverrouillé la situation en un rien de temps... Juste un peu d'Importal pour l'aider... et le tour était joué... Je me disais , et bien, que ça serait la même chose avec Zoé...
Or, c'était bien plus complexe.... elle n'avait jamais été propre, et ne sentait rien venir...
Nous sommes donc entrés dans une autre phase de notre vie de parents... après six années de vécu avec la prématurité de Manon, nous basculions dans l'encoprésie de Zoé...
Nous avons pu mettre un nom sur cette maladie très tardivement, en 2005 seulement... personne ne savait ce qu'elle avait... Qui connait ce nom, d'ailleurs ?
L'encoprésie est une maladie dite mentale, au même tître que l'anorexie, pour les médecins... Seulement là, il ne s'agit pas de refus de s'alimenter, mais de refus d'aller à la selle...
Pour Zoé, nous avons su que ce n'était pas volontaire, mais organique... cela nous a permis de déculpabiliser beaucoup... de mieux l'aider et de comprendre cet enfermement...
Je suis donc rentrée dans un autre combat... Un médecin m'a dit que dans les fratries, c'était fréquent que certaines pathologies se révèlent lorsqu'on en finissait avec une... Comme si Zoé s'était mise de côté, pour que l'on fasse tout le nécessaire pour Manon....
Zoé est toujours encoprésique, mais peu à peu, nous gagnons du terrain...

Je ne veux pas que ce blog devienne celui de Zoé...
L'encoprésie en mériterait un complet pour elle seule.
Je compte gagner la bataille et témoigner ensuite....
J'ai juste voulu en parler car avant de savoir que Zoé avait un vrai défaut de poussée rectale, nous avons cru que ce blocage était mental et était dû en partie à notre désir de bébé "pansement"... comme si Zoé avait eu une lourde responsabilité en arrivant au monde... celle de gommer la naissance traumatisante de sa soeur et de nous apporter le bébé catalogue dont nous rêvions tant....
C'est faux. Cela n'a rien à voir.
C'est juste la faute à "pas de chance", comme on dit chez moi.
La vie m'a appris à relativiser, et à ne plus chercher une réponse à tout...
C'est tombé sur nous... voilà...
A côté de cela Zoé est une petite fille merveilleuse, vive, rigolote, aimante.. et très douée, à plusieurs niveaux...
Nous sommes comblés.
Nous avons trois filles adorables....

On s'aime.

mercredi 7 mars 2007

été 2003

Cet été a été merveilleux... Nous venions de faire le check up de Manon, à l'hopital de Rouen, nous étions gonflés à bloc. Il valait mieux, car nous avions eu un préavis de mutation pour Le Havre fin avril... avec une confirmation en juin qui stipulait qu'il fallait être en poste là bas pour début septembre.... Nous faisions toujours en sorte de faire coïncider avec les rentrées scolaires. Nous savons par expérience que c'est très diffcile pour les enfants d'arriver en cours d'année, et même de changer d'école tout simplement.
Manon doublait son CP, nous pensions que c'était une bonne chose de tout recommencer à zéro, ailleurs... Julie perdait des amies de classe très attachantes, et s'inquiétait un peu. Zoé n'avait pas de soucis particuliers, sa première année de maternelle s'était bien passée.
Je gardais une petite Léa bien mignonne, et les parents étaient adorables. J'avais sympathisé avec une voisine assistante maternelle de ma rue. Elle débutait et je lui ai demandé si cela l'intéresserait de poursuivre l'aventure avec Léa... Les parents savaient que je la connaissais et avait confiance. Et mon amie voyait Léa chez moi et envisageait cela avec joie. Donc je pouvais passer la main tranquillement... c'était important pour moi. Et j'ai pu continuer à avoir des nouvelles de la poussinette longtemps après, de ne pas rompre le lien...
Nous avons commencé à chercher une location sur Le Havre, toujours par le biais de notre employeur. On avait goûté à la maison, au jardin. Difficile de faire marche arrière.... Le Havre est ma ville de naissance. Je la connais bien. Je l'aime et elle me hérisse le poil à la fois. Je ne sais pas l'expliquer. Je crois que mon attachement est vicéral. Il y abrite mon enfance avec ses peines et ses joies. Cette ambivalence a toujours été difficile à vivre pour moi. Je savais que je revenais vivre auprès de mes parents, et que c'était primordial. J'espérais trouver mon nid douillet quelque part.... pas loin d'eux.
Je n'avais jamais vécu dans cette ville en dehors de chez mes parents. J'étais partie de chez eux en 1991. J'étais en deuxième année de fac quand j'ai eu mon concours à la Poste... je suis restée un an à attendre qu'on m'appelle à l'activité, en tant que factrice stagiaire....je n'avais pas osé continuer mes études car on pouvait me convoquer à tout moment (cela a pris un an: si j'avais su, j'aurais peut-être eu ma licence....)... et j'avais besoin d'argent pour démarrer dans la vie... me meubler, le permis.... Bref j'étais pleine de projets. Jean-Phi faisait son armée et ré-intégrerait la Poste après, en fonction de mon lieu d'affectation... Tout était tracé...
Cette même année 1991, mon père est tombé gravement malade. Mes parents ont divorcé alors que j'avais neuf ans. J'ai très peu vu mon père après leur séparation, pour les mêmes raisons qui ont poussé ma mère a divorcé : la violence conjugale... Mon frère (de cinq ans mon aîné) et moi avons eu un appel de l'hopital du Havre un matin de mars 1991 : il recherchait les héritiers d'un monsieur hospitalisé en phase terminale d'un cancer "poumon et foie"... Nous sommes allés de suite voir notre père en réanimation. Le regard du personnel hospitalier était très dur, inquisiteur. Mais nous n'étions pas là pour raconter le pourquoi du comment. L'essentiel était que nous soyions auprès de lui en ce moment même... un passage très difficile pour lui et nous. A ce stade, peu importe ce qui a pu se passer durant les neuf premières années de ma vie... alors que mes deux parents vivaient ensembles... devant la mort, nous sommes bien peu de choses. Nous avons été là, chaque jour... nous avons parlé du passé. Ma mère est venue le voir, la veille de sa mort. Il a pu partir avec le regard apaisant de ses enfants penchés sur lui, qui lui tenaient la main... le 25 mai 1991.
Tout cela pour dire que j'arrivais au Havre cet été 2003 avec un passé chargé d'émotions. Mes dix années à Paris avait fait de moi une autre personne. J'avais tourné la page. J'avais commencé une autre vie. Femme, épouse, maman... je revenais dans ma ville natale avec une certaine appréhension.
Nous avons eu du mal à trouver une maison. Le hasard a fait qu'un projet immobilier neuf émergeait dans le quartier des docks du Havre... il y restait une maison neuve en attente de locataires. Ce qui m'a paru bizarre, car elle était livrable au 1er Août et personne ne la voulait. Le quartier m'a donné la réponse. C'était un quartier très diffcile, comme il en existe beaucoup dans cette chère ville. Nous avons hésité, et nous avons tenté le coup. Nous devions donc déménagé au 1er Août. Jean-Phi a donc posé un mois de congé, car son embauche était prévue le 28 août, date de notre anniversaire de mariage....
J'ai donc eu un été 2003 basé sous le signe des "cartons"... j'étais un peu perplexe quant au choix de notre future quartier.. L'école était classée en ZEP, ce qui en soi ne veut rien dire de mal, mais je connaissais trop la réputation de ce quartier pour me sentir zen. Manon avait eu une année scolaire chargée en difficultés et en émotions. Je me devais de lui offrir un deuxième CP plus calme et épanouissant. Je partais donc mitigée.


Fort heureusement nous avons passé un été formidable. Le mois de juillet est arrivé avec sa chaleur et son énorme luminosité... les jours sont plus longs, on tarde le soir sur la terrasse (et oui, même en Normandie!). Les voisins mangent dehors, discutent... les enfants jouent tard dans l'impasse. J'aime l'été...
Cet été allait être caniculaire, et on le sentait déjà... Mes beaux parents ont proposé de prendre les filles chez eux trois semaines, le temps pour Jean-phi et moi de vider la maison, de déménager... sans contraintes. C'était raisonnable d'un point de vue logistique, mais d'un point de vue affectif, j'en tremblais d'avance d'être coupée d'elles, si longtemps.... Zoé ne m'avait jamais quittée. J'en étais malade d'avance.
Ils sont venus les chercher début juillet. Nous avons passé quelques jours ensemble à la maison, en en profitant pour voir les beaux voiliers de l'Armada 2003... et les festivités qui allaient avec : le concert de Johnny Clegg, les jeux, les théâtres de rue, les stands de jeux, les petits restos... Manon était en pleine forme. Elle était joyeuse et nous ne faisions plus attention à ce qui tardait à venir en acquisition, nous étions devenus confiants et compatissants... elle allait bien.
Les filles sont parties le 10 juillet pour Agen. J'ai passé une journée kleenex et yeux explosés!!!! Je suis restée dans la maison à trier, en évitant de commencer les cartons par les chambres des
filles qui n'accueillaient plus de rires, de sauts, de joie.... j'ai commencé à revivre une fois que j'ai eu le coup de fil du soir, m'assurant qu'elles étaient arrivées à bon port... j'ai toujours eu une appréhension de la route.
Manon a profité de ses vacances chez papy et mamie pour faire des prouesses... elle avait la piscine à sa disposition, le soleil, l'amour infini et protecteur des parents de Jean-Phi... et elle ne témoignait pas de lassitude à ne pas voir papa et maman. Nous appelions tous les soirs. C'était mon petit réconfort avant de me mettre à table avec Jean-Phi, sur la terrasse... Manon apprenait à nager à son rythme, et était très fière de me le dire. J'étais vraiment contente pour elle.





on s'éclate, on s'éclate...

Julie s'éclatait et avait un rôle très maternelle en mon absence... surtout vis à vis de Zoé qui me réclamait et n'arrivait pas à estimer quand elle me reverrait... à cet âge, il est impossible de leur fixer un repère temporel.
Fin juillet est arrivé, et la chaleur grandissait et nous mettait à plat. La maison ne ressemblait plus à rien et il était difficile de se détendre dans la moiteur du soir ailleurs que dans le jardin...
Les parents de Jean-Phi sont remontés à Rouen avec les filles deux jours avant le déménagement, fixé au 1er août. Elles étaient magnifiques!!! Toutes halées, bavardes, heureuses de nous retrouver... j'étais aux anges.
Le déménagement s'est bien passé bien, grâce à l'aide de tous nos amis et parents présents. Les filles furent gardées par ma mère au Havre le jour J.
Le 3 août au matin nous avons repris la route pour Rouen, afin de rendre les clés et faire l'état des lieux. Les filles regardaient leu ancienne maison vide avec un air détaché. Pour elles, rien n'est destabilisant du moment qu'on est tous les cinq. J'étais plus nostalgique et réservée par rapport à ce que je quittais... et ce que je récupérais.
Nous avions juste eu le temps dans la nouvelle maison d'installer la cuisine et les lits. Tout le monde a été formidable, surtout avec la chaleur qui régnait.
Nous avons quitté Rouen en fin de journée et sommes partis pour Paris, nous partions le 4 au matin pour les Etats Unis. J'avais mis de côté mes valises avant le déménagement. Tout était très organisé.
J'avais un peu la trouille de partir si loin avec les filles. Zoé n'avait que trois ans et demi, Manon bientôt 7... je me demandais si elles supporteraient ce voyage de l'autre côté de l'Atlantique, dans un autre pays, une autre culture. Nous partions pour New York, et allions y passer trois jours d'affilée. Le but de ce voyage était avant tout le mariage du cousin de Jean-Phi qui vit à Philadelphie. Nous savions que nous devions être à Portland -Maine- le 16 août pour la noce, Zoé était demoiselle d'honneur... l'arrivée à New York nous avait donné l'idée de partir à l'aventure en louant une voiture, pour aller petit à petit jusqu'au lieu de la cérémonie. Mes beaux-parents nous accompagnaient puisque le marié était aussi leur neveu.
Bref une belle équipe....
Manon a passé tout le vol a regardé l'écran de contrôle sur le dos du siège passagé placé devant elle... en alternant avec les films proposés tels que Winnie l'Ourson ou Madame Doubtfire... elle était fascinée... Zoé dormait davantage... Julie a regardé Dardeville et Spy kids.... tout allait bien...
J'avais confectionné des badges avec un petit plastique, un bout de papier glissé dedans et une épingle nourrice... j'avais marqué dessus le prénom, le nom des filles, leur nationalité et l'hotel dans lequel nous étions chaque soir... J'étais une ancienne parisienne, habituée à prendre la métro même avec les filles... mais là, je m'imaginais New York dans le bruit et la démesure totale... Comme si j'allais vivre dans un tourbillon pendant trois jours et ne pas toucher terre...
Nous allions gérer trois enfants dans le métro new-yorkais, une poussette car on s'attendait à marcher beaucoup, un sac à dos de ravitaillement, des plans.... et il fallait puiser dans nos ressources scolaires pour se faire comprendre.
J'étais complètement à des années lumières de ce que j'allais découvrir en descendant de l'avion... New York était silensieuse et aérée... pas de foule furieuse dans le long couloir des taxis jaunes... mais une file disciplinée et un débit rapide.... Tout a toujours été comme cela, fluide, respirable, propre... je pensais connaître New York par le biais de la télévision... il n'en était rien...
Manon a été ravie, tout le temps... fascinée par la télé (Dora en v.o.), mais aussi les parcs (des écureuils gris partout), les buildings, les visites... il faut dire que les américains ont une façon de vivre qui ne peut que plaire aux enfants!!!! On y mange tout ce qu'ils aiment, Time Square est un lieu magique qui fait rêver petits et grands, Central Park abrite des jeux, un parc animalier magnifique.... le quartier de Ground Zero était sous un ciel bleu magnifique quand nous y sommes allés.... nous avons mis du temps à réaliser qu'il avait pu se passer une telle chose ici... à deux pas de la mer... dans un quartier d'affaire si paisible.... Quant à la statut de la liberté, elle a eu ses adeptes et les filles en parlent encore....



Manon, la nouvelle statue de la Liberté



Nous avons passé quinze jours là bas, allant de ville en ville... Washington, la Pennsylvanie, Buffalo (le Niagara), Syracuse, Portland, Boston, le Connecticut et de nouveau New York...

Au bord d'un lac perdu, aux USA

Manon a su s'adapter à tout et n'a jamais eu une seule crise d'angoisse, un seul besoin de retrouver son cocon et ses bases de toujours...
Après avoir eu une année scolaire difficile, nous vivions un été formidable, sans nos repères habituels... Les filles en sont revenues changées, grandies... Manon avait juste une sainte horreur des toilettes automatiques des aires d'autoroute et des hotels!!!! elle hurlait à chaque fois car la chasse d'eau se déclenchait automatiquement, car trop intimidée, elle ne s'asseyait pas franchement sur les toilettes... je l'accompagnais à chaque fois car je craignais que ses hurlements n'alertent les personnes des toilettes publiques dans lesquelles nous allions... des affiches d'enfants disparus (Amber Alert) tapissaient les murs de ces lieux si passagés et je ne voulais pas attirer l'attention !
Nous avons passé deux semaines qui nous ont donné un nouveau souffle... comme si ces six années de suivi pour Manon se terminaient en beauté pour laisser place à une nouvelle vie....
Nous sommes revenus avec des rêves plein la tête et l'impression d'avoir été récompensés de tant d'effort et de soucis... la page était tournée pour de bon...
Nous avons gardé depuis ce merveilleux voyage l'envie irrésistible d'y retourner...
C'est une promesse que nous nous sommes faites...
Manon n'a pas encore suffisamment la notion de l'argent et nous redemande tous les ans quand est-ce que nous retournerons en Amérique...
Zoé était malheureusement trop petite et ne se souvient qu'à travers les photos...
Julie espère y retourner et ne cesse de dire que plus tard, elle y vivra, et que comme cela, nous pourrons y venir tous les ans, chez elle...
La vie va faire le reste...
Il m'était vraiment impossible de penser que Manon tiendrait un tel voyage. Et elle a été très courageuse. Elle m'a étonné sur tellement de points.... Sa prématurité avait pris un autre visage depuis les résultats du CHU de Rouen, et depuis ce voyage... c'était comme si cela faisait partie intégrante de notre vie, de la sienne, et comme si nous rangions cet accouchement précoce dans une partie de notre coeur et de notre tête au même tître que les deux autres naissances... nous formions une famille soudée, heureuse, et prête à vivre avec les aléas de la complexité de Manon. Nous devions faire tout comme si de rien était, vivre, voyager, bouger... nous savions desormais ce qu'elle pouvait tolérer ou pas. Elle pouvait compter sur moi, sur son papa, sur ses soeurs, pour l'aimer et la défendre. Elle pouvait le faire avant, bien évidemment. mais nous étions plus faciles à ébranler lorsqu'elle était petite. Nous passions d'un doute à un autre. Nous accordions trop d'importance aux réflexions intolérables des personnes qui croisaient son chemin et ne se gênaient pas pour nous dire "ah oui, elle n'est pas comme ses soeurs".... Nous n'acceptions pas cette étiquette et nous voulions la rendre lisse et copie conforme de Julie ou Zoé... il en est hors de question depuis 2003. Nous avons mis le temps à sortir la tête de l'eau, surtout moi ... j'ai voulu élever mes filles et cela m'a permis de tout voir, par bonheur, mais j'ai trop voulu m'investir... est-ce vraiment trop ????
Il y avait deux possibilités : soit je reprenais mon boulot après sa naissance et faisait la politique de l'autruche... laissant une autre faire à ma place et en faisant semblant que tout aille bien...
Soit je prenais cela à bras le corps et je me surinvestissais d'une mission de super maman...
J'ai opté pour la seconde... et je ne le regrette pas.

Tout ce qu'il faut, c'est être en phase avec son choix....