vendredi 9 mars 2007

son deuxième CP

Il avait fallu inscrire les filles en urgence à la mairie fin août. J'avais l'impression d'être sur une autre planète, nous étions encore dans les cartons à la maison. Nos repères étaient explosés, j'avais l'impression de ne passer mes journées qu'à faire des tâches admnistratives. Je m'étais précipitée à la PMI afin de valider mon agrément. Il fallait que je retrouve une garde de bébé rapidement. La maison n'était pas vraiment aux normes pour la visite de reconduction de l'assistante sociale. je m'acharnais donc à rendre cette maison la plus vivable possible...
Le jour de la rentrée est arrivé. Il faisait beau. Cet été 2003 était vraiment chaud. C'était inhabituel pour la région, comme pour toute la France... La fameuse canicule...
Manon était dans une cour différente de celle de Julie. Au Havre, les écoles primaires ont une facheuse habitude à scinder en deux les niveaux. D'un côté, du Cp au CE2, de l'autre les CM1 et CM2. Cétait déjà comme cela à mon époque, dans l'école primaire située dans un quartier de la ville haute du Havre. Julie ne pouvait donc voir Manon qu'à travers un grillage de séparation. Cela m'effrayait un peu car Julie était souvent le bouclier de sa petite soeur. Manon allait devoir s'affirmer et se défendre seule.
L'appel de rentrée fut fait dans la cour. Le directeur était perché sur un tabouret, un homme très gentil, proche de la retraite, barbu et grisonnant. Un brouhaha infernal couvrait ses mots et il fallait être très attentif pour espérer entendre son nom ! Manon mettait nerveusement ses doigts à sa bouche, les ongles déjà bien rongés. Son cartable paraissait trop lourd tant elle semblait accablée... par la reprise scolaire. Je lui tenais la main en lui caressant la peau machinalement, comme pour la réconforter.
Sa maîtresse était jeune, nouvelle, très souriante. Je ne suis pas physionomiste, mais là, il était facile de voir qu'elle inspirait la sympathie et la confiance.
Manon est partie tête baissée et j'ai senti venir une boule dans ma gorge. C'était fait, les dés étaient jetés....
Je suis partie rejoindre Julie qui se débrouillait seule dans sa cour car Jean-Phi était avec Zoé en maternelle. Ah, le difficile partage en trois!
Julie avait paniqué un peu et une fillette l'avait rassurée et conduite vers son rang. Je suis allée attendre avec elle qu'elle monte dans sa classe et j'ai foncé à la maternelle....
Zoé était très accrochée à moi. J'avais donc préféré laisser Jean-Phi faire sa rentrée. Je craignais trop les larmes et le regard implorant de ma puce... mon talon d'Achille, mon point faible... Zoé a toujours su me faire fondre.
J'ai regardé le déroulement de sa rentrée derrière la vitre de sa classe, depuis l'extérieur... les classes étaient en enfilade dans la cour, équipées de grandes portes fenêtres avec rideaux... c'était pratique.
Les rentrées scolaires n'ont jamais été ma tasse de thé. Je passe toujours un très mauvais moment. Cela s'améliore au fur et à mesure qu'elles grandissent... et s'habituent autant que moi.
Mais je garde des souvenirs déchirants des rentrées en petites classes.
Une semaine après la rentrée, j'ai déjà du faire face au premier "drame" de la vie scolaire de Manon. Elle est sortie le midi avec le doigt rougi d'un "point de sang" étroit et profond, mais elle s'est bien gardée de me le dire au moment où je croisais sa maîtresse. Elle a lâché tout dans la voiture, en pleurant. J'étais au volant, à écouter le récit qu'elle arrivait péniblement à me dire.
Manon avait eu un crayon de bois de planté dans le doigt par son charmant voisin de classe. La mine était fraîchement taillée, le matériel scolaire fourni était neuf, prêt à l'emploi. Manon m'a dit que son petit voisin était très agité et lui parlait tout le temps... et qu'elle ne lui répondait pas... apeurée, intimidée... celui-ci lui a donc dit "tiens, ça va te réveiller, çà !!!" ... Manon a sursauté, elle a saigné... mais n'a pas hurlé. La maîtresse n'a donc rien vu.
Ce n'était pas dramatique. Mais ça commençait mal, je voulais prendre les devants. Je suis retournée à l'école à 13H30 avec la ferme intention de raconter tout à son institutrice, sans l'accabler, en rien. C'était son petit voisin le coupable, personne d'autre.
Son institutrice était très surprise et attristée pour Manon. Elle m'a avoué avoir mis ce petit garçon agité à côté de Manon car elle était sûre qu'il ne pourrait pas bavarder et faire le pître à côté d'une telle élève modèle. Manon était plus agée que les autres et elle la croyait donc plus affirmée et capable de se faire respecter. Elle s'est empressé de le changer de place et a mis Manon auprès d'une gentille petite fille.
J'ai toujours eu ce souci avec Manon, dans chaque classe. Son côté porcelaine et muet a toujours donné l'idée géniale aux instits de lui coller le plus turbulent du lot... Cette fâcheuse tendance n'a, hélas, jamais donné de bons résultats... Manon en a toujours souffert. Je suis donc obligée d'intervenir chaque année pour qu'on lui mette quelqu'un de posé à côté d'elle. Sinon elle déguste, il n'y a pas d'autres mots. Ce choix n'arrange qu'une personne, l'enseignant. Je suis fort heureusement toujours tombée sur des maitresses qui ont compris leur erreur. Et qui l'on réparée.
Côté apprentissage, Manon a su lire dès le début du mois de septembre, et a entamé un premier trimestre fulgurant. Elle avait enfin eu le fameux "déclic". Tout n'était plus flou. elle m'a dit un soir en faisant ses devoirs: "Maintenant je vois la réponse dans ma tête, avant je ne voyais rien..."
Et elle a commencé à s'épanouir sur d'autres plans. Elle a mis le nez dans les BD, les "Tom-Tom et Nana" de Julie... elle a pu jouer aux jeux d'ordi qui la faisaient tant saliver et qui nécéssitaient de lire des consignes... qu'elles ne comprenaient pas l'année d'avant... elle aurait pu nous demander de l'aide à cette époque mais préférait regarder Julie faire... C'est alors qu'on a vu que sa petite tête bien pleine avait tout enregistré car elle a fait de très bons scores à ces jeux. L'élève avait dépassé le maître....
Elle mettait un point d'honneur a réussir, sans lâcher prise. Le fait de partager quelque chose avec Julie la mettait en confiance et les deux soeurs avaient enfin un terrain commun d'entente... on devenait une famille comme une autre, enfin.
Julie ne pouvait pas faire entrer Manon dans son monde : celui-ci n'intéressait pas ma petite nouvelle "Einstein"... Julie était en plein dans sa période Diddl et Lorie, elle était très soucieuse de ses longs cheveux blonds et était coquette.... Manon se fichait royalement des petites souris blanches (même si elle a fini par en vouloir quelques unes, malgré tout) et n'écoutait pas "Week end" en boucle !!!... elle avait vu un jeu en démo sur une console dans un magasin spécialisé (entraîné par son père qui me fausse compagnie pendant que je suis attirée par des fringues et autres "babioles"...) et ne rêvait plus que de cela... On était admiratif de la voir se passionner enfin pour quelque chose. Elle était volubile, guillerette, et sacrément documentée... elle allait sur le net avec son père.... et rêvait devant ce qu'elle y trouvait...
Noël est arrivé. Manon a eu cette console tant convoîtée et désirée... Inutile d'acheter des petits trucs qui ne la tenteraient pas, tout le monde s'était cotisé pour lui faire plaisir.
Mario et Yoshi sont entrés dans sa vie, petits personnages de GameCube rigolos et adulés par tant de fans.... Manon a tout de suite pris en main son nouveau jouet et les parties en famille ont rythmé notre hiver normand... elle était toujours aussi studieuse en classe. Et je ne déplorais aucun tracas particulier. Elle avait pris de l'aplomb. On le voyait en elle.
Au printemps 2004, Jean-Phi est parti faire un stage à Chartres pour le boulot. Cela durait une semaine. J'avais un petit garçon à garder depuis Octobre 2003, nous menions une vie tranquille. J'ai géré la petite famille, l'école et le petit Kyllian sans soucis... Je n'aime pas être seule en général. Mais là j'avais la présence rassurante de mes parents en cas de pépin mécanique éventuel... car notre voiture avait mal démarré l'hiver... je craignais une récidive!
Tout s'est bien passé. Le vendredi, je suis allée chercher Jean-Phi à la gare en famille. Nous étions de vrais gosses, impatients de le revoir. J'avais su qu'il avait deux heures de changement à Paris, où il s'aventure toujours facilement. Ce fut bien le cas ce jour là. Il avait mis à profit cette attente entre deux trains.
Je l'ai vu descendre du corail avec un sac dans lequel une petite tête verte dépassait. Manon a vu mais n'a pas osé y croire. Il avait fait un saut de puce dans une boutique spécialisée dans le quartier latin. Les produits dérivés des jeux de Mario et Yoshi étaient déjà très durs à dénicher, et le sont encore. Il avait trouvé une peluche originale de Yoshi, vraiment trop belle. Manon était émerveillée. Cela faisait plaisir de la voir écarquiller les yeux et le serrer fort contre elle. Ses soeurs étaient contentes pour elle, même si Zoé commençait aussi à affectionner ce petit personnage si typique !










Yoshi




Nous avons l'habitude de ne jamais faire de différence. Ce Yoshi n'arrivait pour aucune occasion particulière. C'était l'opportunité du passage dans la capitale qui avait fait tilt pour Jean-Phi, très au courant des lieux de vente du petit dinosaure vert....
Nous avons donc donné à Zoé et Julie de quoi s'offrir un cadeau équivalent... Ce fut du Diddl pour Juju, et du Dora pour Zoé... Ces deux filles sont de parfaites victimes du marketing, mais on est bienveillant, enfin on croit... Le but était que chacun y trouve son bonheur...
L'année scolaire était une vraie réussite, un vrai soulagement. Le fait d'être en ZEP permettait à Manon de faire pratiquement tous ses devoirs en classe, avec l'aide de sa maîtresse si elle le voulait. Nous y trouvions un certain confort puisque nous ne passions plus nos soirées à batailler avec elle... et elle pouvait se relaxer, jouer.... avant l'heure de la douche et du dîner.
Elle a tiré de ce redoublement un grand bénéfice. Elle maîtrisait ses matières et se sentait au dessus des autres. Cela lui permettait de prendre confiance en elle et cela découlait sur sa vie à la maison....
Nous n'avons pas de souvenir précis de clash ou de crise d'angoisse... c'est très marquant... tout a été facile...
Les beaux jours sont arrivés et nous avons pu aller nous promener en bord de mer... le Charles de Gaulle venait en escale au Havre et nous avons passé une super soirée à flâner sur le port... le Havre était vivant, pour une fois.... cette ville n'a pas la réputation de bouger beaucoup...

Le Charles de Gaulle au Havre


Nous préparions nos vacances d'été avec joie. Nous allions dans le Sud-Ouest voir les parents de Jean-Phi. C'était normal, ils ne nous voyaient pas souvent. Et ils réclamaient leurs petites filles... Nous avons réservé une semaine à L'escala en Espagne en commun avec eux. Mes beaux-parents connaissaient ce coin grâce au comité de jumelage de leur ville et avaient adoré. Je le comprends maintenant, je suis devenue accro à la Catalogne ! Nous avons passé un été très ensoleillé et joyeux. Manon a appris à nager et s'est éclatée dans la mer en Espagne.... elle a toujours beaucoup progressé lors des périodes de vacances, en dehors de chez nous. Je le constate encore. Je ne l'explique pas, par contre... Le changement d'air ?
Je n'avais plus aucune pression quant à sa santé, son développement. Elle prenait son temps, mais peu importe. Je ne comprends pas après quoi les gens courent... Je pense que tout arrive quand ça doit arriver...

Zoé a commencé à être de plus en plus malade. Nous avions constaté depuis son entrée en deuxième année de maternelle qu'elle se retenait pour aller à la selle. je ne m'étais pas trop inquiétée durant sa première section. elle faisait dans sa couche à la sieste l'après-midi...
Cette année-là, elle avait eu école matin et après-midi. Elle avait donc mis les bouchées doubles pour se retenir. L'été 2004 a été révélateur de cette maladie dont elle souffre toujours aujourd'hui: l'encoprésie. Elle se baignait beaucoup en juillet et ça allait bien... elle faisait des selles dans sa couche de temps en temps... j'étais laxiste sur le fait de la mettre sur les toilettes car j'avais connu avec Manon une longue période de troubles lors de l'acquisition de la propreté, et sa maturité avait déverrouillé la situation en un rien de temps... Juste un peu d'Importal pour l'aider... et le tour était joué... Je me disais , et bien, que ça serait la même chose avec Zoé...
Or, c'était bien plus complexe.... elle n'avait jamais été propre, et ne sentait rien venir...
Nous sommes donc entrés dans une autre phase de notre vie de parents... après six années de vécu avec la prématurité de Manon, nous basculions dans l'encoprésie de Zoé...
Nous avons pu mettre un nom sur cette maladie très tardivement, en 2005 seulement... personne ne savait ce qu'elle avait... Qui connait ce nom, d'ailleurs ?
L'encoprésie est une maladie dite mentale, au même tître que l'anorexie, pour les médecins... Seulement là, il ne s'agit pas de refus de s'alimenter, mais de refus d'aller à la selle...
Pour Zoé, nous avons su que ce n'était pas volontaire, mais organique... cela nous a permis de déculpabiliser beaucoup... de mieux l'aider et de comprendre cet enfermement...
Je suis donc rentrée dans un autre combat... Un médecin m'a dit que dans les fratries, c'était fréquent que certaines pathologies se révèlent lorsqu'on en finissait avec une... Comme si Zoé s'était mise de côté, pour que l'on fasse tout le nécessaire pour Manon....
Zoé est toujours encoprésique, mais peu à peu, nous gagnons du terrain...

Je ne veux pas que ce blog devienne celui de Zoé...
L'encoprésie en mériterait un complet pour elle seule.
Je compte gagner la bataille et témoigner ensuite....
J'ai juste voulu en parler car avant de savoir que Zoé avait un vrai défaut de poussée rectale, nous avons cru que ce blocage était mental et était dû en partie à notre désir de bébé "pansement"... comme si Zoé avait eu une lourde responsabilité en arrivant au monde... celle de gommer la naissance traumatisante de sa soeur et de nous apporter le bébé catalogue dont nous rêvions tant....
C'est faux. Cela n'a rien à voir.
C'est juste la faute à "pas de chance", comme on dit chez moi.
La vie m'a appris à relativiser, et à ne plus chercher une réponse à tout...
C'est tombé sur nous... voilà...
A côté de cela Zoé est une petite fille merveilleuse, vive, rigolote, aimante.. et très douée, à plusieurs niveaux...
Nous sommes comblés.
Nous avons trois filles adorables....

On s'aime.