vendredi 1 février 2008

Que dire aujourd'hui...


J'ai fait ce blog avec une réelle envie de mettre "cartes sur table"... il arrive un moment où l'on pose sa valise, où l'on se sent arrivée à bon port, et où regarder en arrière paraît enfin possible...

J'ai longtemps foncé tête baissée, pour ne pas avoir le temps de m'asseoir et de me lamenter... Aller à l'étape supérieure... changer de ville tous les deux ans depuis 2001... recommencer ailleurs... faire table rase d'avant... c'était pratique d'avoir une mutation qui tombe sur le bureau quand tout semblait figé... c'était partir en avant en laissant les problèmes derrière moi...

Quitter Paris en 2001 a permis de tourner la page à la grosse artillerie que représentait l'hopital Trousseau... de dire au revoir à un appartement qui avait vu naître Manon... de s'implanter dans une petite commune où j'espérais ne pas avoir à raconter la naissance de Manon... elle pourrait enfin se fondre dans la masse... aller à l'école sans qu'on me lance des réflexions sur sa lenteur ou son côté lunaire inquiétant... grandir en paix...

J'ai fui beaucoup...

Il arrive un jour où le déclic se fait. Il est arrivé pour elle vers ses sept ans... il a déclenché le mien. Tout était en elle. J'avais passé des années à chercher le pourquoi du comment, à prendre les réflexions des enseignants pour des vérités blessantes que je refusais d'accepter... -et s'ils avaient raison, et si je me voilais la face, et si je défendais une cause perdue....-

Ils avaient tort.

J'ai beaucoup souffert de devoir me battre contre les idées reçues. Manon a longtemps adopté une attitude de repli et d'enfermement qui donnait raison aux réflexions, aux accusations... j'avais beau dire aux soupçonneux qu'elle n'était pas comme ça dans la vraie vie, chez nous... ils me regardaient avec un air complaisant et me lançait un cinglant "On vous dit ça pour son bien, Madame"...

A l'heure d'aujourd'hui, Manon parle de choses lointaines, de scènes scolaires que j'avais oublié...
Elle a gardé en mémoire l'humiliation de certaines personnes...
Elle dit qu'elle ne disait rien à l'époque car elle sentait que ces personnes ne l'aimaient pas, quoiqu'elle fasse...
Nous faisons bloc autour d'elle. Nous avons compris que cette naissance était de toute façon incomprise pour quiconque ne l'ayant pas vécue... expliquer, convaincre... c'était bon avant... Dorénavant, nous arrivons avec un certain applomb, en expliquant que les choses sont ainsi et que Manon sera toujours plus bébé que les autres, plus peureuse, plus solitaire... et alors????L'accueil qu'elle a reçu enfant ne lui a pas permis de s'insérer...correctement... de prendre confiance en elle... de ce fait, elle s'est protégée... beaucoup... trop peut-être...
Oui elle est assez ronchon et agressive quand on la pousse à être un peu ouverte...
Oui elle n'aime pas le sport... et râle quand on l'oblige...
Oui elle parle bas et se tord les doigts quand elle va au tableau...
Oui elle ne regarde jamais les gens dans les yeux....
Oui elle joue seule dans la cour et regarde le ciel... parce qu'aucune de ses copines n'a envie de parler "constellation"... et que ceux qui jouent au foot pendant la récré lui font peur...
Oui elle a encore le profil de la petite fille qu'il faut embêter... hier elle est allée au théâtre avec son école et une petite fille de sa classe qui la traite régulièrement de "singe savant" s'est précipitée pour se mettre le rang derrière elle et lui taper fort sur la tête pendant tout le spectacle...
Oui j'ai apprivoisé ma colère face à la connerie humaine...
Oui j'aime ma fille telle qu'elle est et je n'en veux surtout pas une autre...
Connaître une telle naissance épuise et remet beaucoup de choses en question...
Mais elle enrichit tellement...
Onze après, nous nous sentons plus unis et forts que certaines cellules familiales que nous cotoyons...
Leur souhaiter qu'il leur arrive une tuile de ce style pour "grandir un peu"????
Non, j'en suis pas là... à leur souhaiter de voir leur enfant entre la vie et la mort... non, vraiment pas...

Mais des fois, je me demande si certains savent que cela n'arrive pas qu'aux autres...
Personne n'est à l'abri...
Malheureusement....